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Makaila, plume combattante et indépendante

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M.Ahmat Zéïdane Bichara: "la paix au Tchad exige le changement de comporterment de Deby"

Situation politique au Tchad : La paix exige la fin des rancunes, et un changement de comportement du président  Deby

                                                     Ahmat Zéïdane Bichara

                                       Prix Lorenzo Natali 2006

Pourquoi le retour au bercail des opposants armés ne change-t-il pas grand-chose à la stabilité politique du pays, et ne ramène-t-il pas la paix au Tchad ? Même un enfant de six ans sait aujourd’hui que la paix au Tchad ne passe pas nécessairement par le seul renoncement des rebelles tchadiens à chasser  Idriss Deby de ce pouvoir qu'il occupe depuis le 1er décembre 1990. Et si aujourd’hui Deby en personne, son gouvernement et son ethnie Zaghawas font croire à l’opinion nationale et internationale qu’il suffirait que tous les dissidents déposent les armes pour que le Tchad retrouve définitivement la paix, il ne s'agit que de démagogie pure, voire d'un mensonge grossier.

 

   Qu'ils le veuillent ou non, Idriss Deby et tous ceux qui gouvernent avec lui sont tout de même les premiers responsables de la situation invivable dans laquelle les  pauvres Tchadiens se débattent depuis une vingtaine d’années, et qui  fait régresser le pays vers une pauvreté de rats d’égout, pendant que le développement des pays voisins est en marche. C’est aussi dur pour les Tchadiens qui vivent  au pays que pour ceux de la diaspora. Mais on ne peut rien faire tant que règnent le désordre et l’insécurité, et tant que les valeurs de la république sont piétinées par ceux qui devraient les faire appliquer.

 

    Actuellement Deby et son staff  font tout pour briser leurs adversaires, avec tous les moyens immoraux dont ils disposent : ils éliminent ainsi des vies humaines, en criblant de balles certains hauts fonctionnaires de l’état, certains futures cadres et gradés de l'armée, en fait tous ceux qui ne partagent pas leur plan machiavélique. Certains sont souvent tués dans des conditions odieuses et choquantes. D’autres sont tout simplement empoisonnés, et même s’ils ne décèdent pas sur le champ, leur santé en est définitivement affectée et se détériore tous les jours à petit feu, le poison les rendant invalides jusqu' à la fin de leurs jours, et raccourcissant considérablement la durée de leur vie.

 

   Les exemples ne manquent pas, et chaque année beaucoup de familles tchadiennes sont victimes d’Idriss Deby et de sa volonté de vouloir à tout prix se maintenir au pouvoir. Femmes et enfants se retrouvent ainsi veuves et orphelins sans protection aucune, ni morale, ni financière. Hissène Habré en a fait de même, par le biais de la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS), entre 1982 et 1990. Habré et tous ceux qui ont collaboré avec lui  restent, malgré tout, à ce jour  impunis, et  même si la justice internationale a été saisie et des démarches entreprises pour le faire juger à Dakar, au Sénégal - où il vit en famille un exil doré -, personne n'y croit vraiment.  Pendant ce temps, des centaines d’orphelins et de veuves errent dans les rues du Tchad, comme des chenilles à la recherche de la feuille à se mettre sous la dent.

 

   Les actes barbares que nous venons de citer n’encouragent guère les rebelles de l’Est du Tchad à déposer les armes,  ni les opposants exilés partout dans le monde à   rentrer  au pays pour discuter, tant ils redoutent les représailles qui ne manqueraient pas de s'abattre sur eux.  En effet,  tous les accords signés depuis des années entre l’Etat tchadien et ses opposants, civils ou militaires, n'ont été que fausses promesses - ou tentatives de corruption. Ils n'ont consisté qu' à  fermer la porte à la paix, à  refuser de s’ouvrir aux idées nouvelles venues d’ailleurs et de dialoguer démocratiquement avec tous les acteurs politiques. Et c'est pourquoi  beaucoup d'opposants militaires et civils déclarent que le président Idriss Deby, son clan et son gouvernement,  sans parler du gouvernement français qui le soutient depuis son accession au pouvoir,  empêchent le retour de la paix au Tchad. Le président tchadien ne veut pas entendre parler de s'asseoir à une table de négociation qui rassemblerait, dans un pays voisin, tous les acteurs politiques tchadiens, sous la surveillance de médiateurs responsables, honnêtes, et surtout neutres. Avec les royalties du pétrole que le Tchad reçoit depuis juillet 2003,  il aurait pourtant les moyens d'organiser une telle conférence.

 

   Dans cette conférence, pouvoir et opposition  débattrait ensemble de tous les obstacles qui minent la cohabitation actuelle entre les nombreuses ethnies que compte le pays.  Il faudrait bien sûr traiter au cas par cas  les sujets les plus sensibles, comme celui de la gestion du pétrole et de toutes les richesses naturelles, de la composition de la garde républicaine, de la nomination des chefs des armées,  du désarmement de la population tchadienne, de la nomination de cadres bien formés à des  postes à responsabilités qu'ils seraient capables d'occuper. Et surtout évoquer la sécurité des opposants, qui est tout sauf garantie actuellement.  Aujourd’hui, on peut certes se réjouir du ralliement ou du retour au bercail de tel ou tel chef rebelle, mais combien de temps ces accords vont-ils tenir ?

 

       Et puis ce n’est pas tant le ralliement qui est important, mais les conditions dans lesquelles il a eu ou va avoir lieu, l’impartialité du médiateur et surtout la sécurité des ralliés après leur retour au bercail. Les opposants doivent réfléchir à tout cela, avant de prendre l'avion de retour pour le Tchad après plusieurs années d’absence. Car si Deby est réputé pour sa façon de violer les accords à peine signés et de s’attaquer à la vie de ses opposants une fois à sa merci, il faut souligner  par ailleurs l’immaturité politique de ses adversaires : certains ne prennent en effet aucune garantie avant de se jeter dans la gueule du loup.

 

 Ils sautent stupidement et naïvement sur la première proposition venue - un poste important au sein de l'Etat ou bien une grosse somme d’argent qui tombe directement dans leurs poches. Ils ne se posent plus la moindre question sur ce qui va leur arriver une fois au pays, et après le désarmement de leurs soldats respectifs  - lorsqu'il s'agit de chefs rebelles. Ils oublient tout simplement que le président Déby est tellement rancunier  que des représailles de sa part sont toujours à craindre, même des années après les faits, et en dépit de tous les accords signés.

 

  Ceux qui le connaissent bien disent que  Deby ne pardonne jamais à ses ennemis. D’autres vous diront que tous les chefs d’États africains agissent de même, et que c'est le pouvoir qui les a rendus foncièrement mauvais.  Alors que faire : tenter malgré tout un dialogue pour la paix, ou l'arracher par les armes, au prix de nombreuses vies humaines ?          

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