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5 Avril 2014
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C’est une annonce pour le moins surprenante qu’a fait le Tchad dans un communiqué publié en marge du Sommet UE-Afrique qui se tenait cette semaine à Bruxelles. Le voisin de la Centrafrique a déclaré que son contingent de soldats quitterait la Misca, la mission de soutien de l’Union africaine à la Centrafrique. Ces derniers jours, les tensions entre les deux pays sont montées d’un cran après une fusillade impliquant des soldats tchadiens, accusés de bavure.
Soldats de la force panafricaine MISCA à l'aéroport international de Bangui, République centrafricaine, janvier 2014. Photo: US Army Africa / flickr-cc
Quelques jours après la fusillade qui a fait huit à dix morts civils à Bangui, la capitale centrafricaine, mettant en cause la responsabilité de soldats de l’armée tchadienne, le Tchad a annoncé son retrait de la Misca, la mission de maintien de la paix en Centrafrique sous l’égide de l’Union africaine.
Selon les témoignages de Centrafricains, qui accusent depuis plusieurs mois l’armée tchadienne de bavures, des soldats tchadiens auraient tiré sur la population alors qu’ils pénétraient dans un quartier chrétien au nord de Bangui. De leur côté, les officiers ont déclaré n’avoir fait que répondre à une attaque à la grenade lancée par des anti-balaka, les milices centrafricaines d’auto-défense à majorité chrétienne.
La menace de retrait des troupes tchadiennes évoquée par le président tchadien Idriss Déby a ainsi été mise à exécution. Le ministre tchadien des Affaires étrangères a déclaré dans un communiqué publié jeudi 3 avril, en marge du Sommet UE-Afrique à Bruxelles, que « malgré les sacrifices consentis, le Tchad et les Tchadiens font l’objet d’une campagne gratuite et malveillante tendant à leur faire porter la responsabilité de tous les maux dont souffre la RCA ».
« Face à ces accusations répétées, le Tchad, après avoir informé la présidente de la transition centrafricaine [Mme Samba-Panza], la présidente de la Commission de l’Union africaine et le secrétaire général des Nations unies, décide du retrait du contingent tchadien de la Misca » ajoute-t-il.
Le ministre précise que les modalités du retrait de la force tchadienne seront prises en commun accord avec l’Union africaine et qu’en attendant, « le Tchad assumera sans faille sa mission de paix dans les zones relevant de sa responsabilité en République centrafricaine ». Avec près de 800 hommes présents en Centrafrique, le contingent tchadien est l’un des plus importants de la force panafricaine de la Misca, qui fournit 6000 soldats aux côtés de la force française Sangaris (2000 soldats), déployée depuis décembre 2013 dans le pays en proie aux violences communautaires.
« L’armée tchadienne en Centrafrique se trouve dans une situation relativement ambiguë puisque l’on sait que le Tchad a soutenu l’ex-Séléka [coalition à majorité musulmane opposée à l’ancien président François Bozizé], dans laquelle se trouvaient des Tchadiens », explique à JOL PressPhilippe Hugon, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), en charge de l’Afrique.
« On sait qu’elle essaie prioritairement de protéger les populations musulmanes et de favoriser leur rapatriement soit vers la zone de l’Est de la Centrafrique, contrôlée actuellement par les ex-Séléka, soit vers le Tchad », ajoute le spécialiste. « L’armée tchadienne est considérée par les anti-balaka, groupe très hétérogène, comme prenant partie pour les ex-Séléka, favorisant donc les populations musulmanes au détriment des populations chrétiennes », résume M. Hugon.
Le retrait de l’armée tchadienne en Centrafrique, considérée comme protectrice des musulmans qui, ces derniers mois, ont subi des exactions sans précédent, risque d’entraîner de nouveaux déplacements de populations. Le Tchad s’était en effet chargé du rapatriement de milliers de Tchadiens ou de Centrafricains d’origine tchadienne dans le pays.
La sécurité du Tchad, qui doit déjà faire face à un afflux de réfugiés, pourrait ainsi être menacée.« Il y des réfugiés qui sont dans des camps et qui attendent de l’aide humanitaire », rappelle Philippe Hugon. « Mais il y a également des ex-Séléka qui sont revenus au Tchad avec des armes. Des opposants au régime d’Idriss Déby reviennent aussi, puisque les frontières ne sont pas du tout contrôlées en Centrafrique. La sécurité du Tchad est donc également menacée par l’arrivée massive d’hommes armés ou d’hommes ayant caché des armes et qui peuvent très bien les récupérer ».
L’annonce du ministre tchadien des Affaires étrangères intervient néanmoins au moment où l’Union européenne a décidé l’envoi de troupes en Centrafrique pour appuyer les forces françaises et africaines.
« Cette mission européenne va permettre de dégager des moyens français (troupes, matériel…) qui iront sécuriser d’autres zones que Bangui », indique à JOL Press Philippe Migault, spécialiste des questions de défense à l’Iris. « Pour autant, la force totale sera de 2800 hommes (Français et autres Européens confondus). Parmi eux, 2600 seront sur le terrain. Sur ces derniers, 600 seulement ne sont pas des soldats français, et seront exclusivement cantonnés à la sécurisation de l’aéroport de Bangui, ainsi que de quelques autres quartiers de la ville », précise-t-il.
« On est tout de même loin des moyens qu’il faudrait pour pacifier tout un pays », explique le spécialiste, ajoutant que « la France ne veut pas admettre ce que les autres pays d’Europe ont pourtant tous compris : assurer la sécurité en Afrique a un coût exorbitant, financier et humain. C’est au-dessus de nos moyens, et nous ne pouvons pas déléguer ces missions aux Africains ».
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