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31 Juillet 2014
Par Senior Mbary
Le sommet Afro-Américain, le premier du genre, se tiendra du 04 au 06 aout 2014 à Washington aux Etats-Unis d’Amérique et ces assises suscitent, à la fois, espoir et angoisse. Espoir parce que les vrais démocrates africains de tout bord espèrent qu’à l’occasion, un message ferme sera adressé aux dictateurs africains, nombreux sur le continent, qui bloquent le développement du continent par leur mauvaise gouvernance caractérisée des pillages, l’impunité, l’injustice, les violations massives des droits de l’homme et le refus de l’alternance, entre autres. Angoisse parce qu’il y a des doutes en ce sens que, quelle que soit la fermeté que pourrait afficher le président américain, il n’est pas sûr qu’elle soit suivie d’actions susceptibles de faire changer les choses, surtout qu’il est à 2 ans seulement de son dernier mandat.
On attend donc de voir jusqu’où ira-il face à ces dictateurs qui tuent à petit feu leurs propres peuples en les maintenant dans une misère noire alors qu’ils ont prêté serment de les protéger et ont les moyens de les sortir de la pauvreté dans laquelle ces populations baignent.
Ce matin, j’ai lu le journal en ligne, Tchadanthropus, dans son flash du 30 juillet 2014, qui a rapporté les propos du président Obama lors de sa rencontre avec la jeunesse africaine où il a insisté sur « une nécessaire alternance politique à la tête des pays africains. Un Etat de droit, selon la définition de Mr Obama, c’est aussi le fait que les dirigeants ne gardent pas le pouvoir éternellement. Plus loin, il a ajouté que si vous, les mêmes dirigeants tout le temps, vous n’avez plus d’idées nouvelles et le respect de la loi va en diminuant.
C’est en fait une vérité crue que le président Obama a craché à la figure de ces dictateurs. Pour illustrer cela, regarder ce qui se passe dans ces pays dirigés par les dictateurs. Au Tchad par exemple, la durée de vie des ministres est de 6 mois, le président signe un décret aujourd’hui et le remet en cause demain en signant un autre. Dans certaines de ses tournées à l’intérieur du pays, il lui arrive de demander à des fonctionnaires ce qu’ils font ici alors que c’est lui-même qui a signé le décret d’affectation, etc. Au Cameroun, le président Paul Biya ne connait même pas ses ministres. Lors d’une réunion des chefs d’Etat, il a confondu son propre ministre des finances à un ministre tchadien. Au Burkina, c’est le frère-cadet de Blaise Compaoré qui fait la pluie et le beau temps dans les nominations aux postes de responsabilité avec son association en soutien à son grand-frère de président. La liste est loin
d’être exhaustive mais cela démontre que ces présidents restés longtemps au pouvoir ne contrôlent rien en réalité, moins encore ils sont en mesure d’innover quoi que ce soit.
Ce matin aussi, j’ai lu sur la toile d’un autre journal en ligne, Ndjamena-matin, un article signé par Mr Noël Kodia du Congo Brazzaville intitulé Sommet Américafrique : quelle démocratie pour les africains ? Mr Kodia a fait une démonstration pour dire que la démocratie à l’occidentale est arrivée à ses limites ou convient très peu au contexte africain et qu’il faudrait repenser un autre modèle qui intègre les us et coutumes africaines.
Je partage ses analyses sur le fait que les occidentaux sont les premiers à torpiller la démocratie sur le sol africain dès lors que celui qui est élu ne fait pas leur affaire. Le président Idriss Deby du Tchad en est la parfaite illustration, lui qui n’a jamais gagné aucune élection présidentielle depuis 1996. Et les chancelleries occidentales, qui le savent très bien, sont souvent les premiers à reconnaitre ces élections truquées par l’envoi des messages de félicitation.
Mais je ne suis pas de son avis sur d’autres points car la démocratie, telle que ça se pratique n’est pas convenablement expérimentée sur le sol africain. En clair, les jeux d’exercice démocratique ne sont jamais ou très peu respectés et dans ces conditions, on ne peut tirer une conclusion qui soit crédible. A mon humble avis, sur le continent, le Sénégal et le Ghana sont les rares pays dans lesquels les règles de jeux démocratiques sont un peu respectés et on a vu que l’alternance y a été possible. Quoi qu’on dise, la démocratie a forcément un côté universel : un candidat a été élu sur la base de son programme. Si au prochain mandat, il n’a pas donné satisfaction, même sa propre famille hésitera à le voter à nouveau si les jeux démocratiques sont respectés, c’est-à-dire si les gens doivent voter réellement selon leur conviction.
Le constat est que si les citoyens d’un pays se sentent en sécurité, c’est le cœur qui parle lors des votes et non le ventre ou l’appartenance ethnique ou religieuse dès lors que les règles de jeux démocratiques sont respectées.
Le président Obama a donné un avant-goût de l’espoir quant aux résultats du prochain sommet afro-amécain du début aout prochain lors de sa rencontre avec les jeunes africains. Mais la question fondamentale que l’on est en droit de se poser est la suivante : Quelles mesures le président américain sera en mesure de prendre pour faire changer les choses ? L’angoisse est née de cette interrogation pour des raisons suivantes :
- Dans sa première tournée africaine lors de son premier mandat, le président Obama avait déclaré au Ghana que l’Afrique n’a pas besoin des hommes forts mais d’institutions fortes, ce qui revient au même de dire que l’Afrique a besoin d’un ancrage démocratique fort dans les pays, nécessaire à son développement. Plus de cinq ans après cette déclaration, rien n’a pratiquement changé. Bien au contraire, la liste des présidents qui ont changé leur constitution ou qui sont sur le point de le faire pour se maintenir au pouvoir ne fait que s’allonger alors même que la plus part de ces dirigeants ont déjà mis plus de dix ans au pouvoir ;
- Les intérêts mafieux dans le pré carré français. Quel est la capacité réelle du président Obama d’influencer, par exemple, le président Hollande qui soutient aveuglement les dictateurs comme Idriss Deby du Tchad, sachant que celui-ci a des soutiens très solides au sein de l’armée française, le vrai patron de la politique africaine de la France ;
- Au Togo et au Congo Brazzaville, ces mêmes milieux mafieux sont prêts à tout pour convaincre Hollande de supporter ces présidents-dictateurs en place au nom de la stabilité et de la sécurité comme si sans ces gens, les pays allaient disparaitre. Quelle est la stratégie de Mr Obama pour contrer et neutraliser ces milieux ?
Que des interrogations sans réponse pour le moment. On se rappelle encore récemment, le Secrétaire d’Etat américain, Mr John Kerry demandait ouvertement au président Kabila de respecter la constitution et de ne pas chercher à briguer un troisième mandat. Mais au fait, qu’est-ce qui a été réellement fait ou en train d’être fait pour empêcher cela ? Apparemment rien et le parti de Mr Kabila semble se préparer à annoncer la candidature de son joker très prochainement.
Mon angoisse est que les déclarations des Etats Unis ne soient pas assorties d’actions pour soutenir les partis politiques de l’opposition démocratique qui se battent à armes inégales dans ces pays dirigés par des dictateurs qui, eux, utilisent abondamment les moyens de l’Etat. Et au final, ce sera toujours des élections truquées mais validées par ces mêmes occidentaux aux noms des intérêts égoïstes et de la « stabilité de la région».
Que le président Obama sache que les vrais démocrates vont le prendre désormais à témoin ; ils vont non seulement observer ses déclarations durant le sommet mais aussi suivre ses actions sur le terrain après ce sommet .
30/07/14