28 Novembre 2014
La rédaction du blog de makaila, a obtenu en exclusivité un mémorandum intitulé: Pour une nouvelle transition au Tchad, dont les auteurs ne sont pas encore connus officiellement du fait de la répression qui s'abat sur les responsables de l'opposition, des membres de la société civile, les activistes, journalistes et blogueurs qui se mobilisent doucement et sûrement pour changer les rapports qui opposent les Tchadiens au régime en place.
Voici détaillé le mémorandum.
MEMORANDUM
POUR UNE NOUVELLE TRANSITION AU TCHAD
La Conférence Nationale Souveraine de 1993 a fait naître un espoir de paix et de stabilité au Tchad. Ces assises ont défini les contours d’une transition démocratique ; des armes ont même été brulées en présence de chefs des mouvements politico-militaires, pour conjurer les démons de la violence et de la guerre qui ont marqué notre pays pendant plusieurs décennies.
Mais Idriss DébyItno s’est attelé à vider les résolutions de la CNS de tous les apports nouveaux en vue de la renaissance de notre pays. Les premiers actes ont été d’instrumentaliser le Conseil Supérieur de la Transition, le parlement de cette transition, et de se débarrasser du Premier Ministre élu.
Méthodiquement, il a fait silence sur toutes les réformes structurelles prévues : les états généraux de l’armée et la mise en place d’une armée véritablement nationale et républicaine, la mise en place d’une efficiente décentralisation avec à la clé le Sénat, etc. pour finir avec la levée de la limitation du nombre de mandats pour s’offrir une présidence à vie.
Idriss Déby Itno a tout fait pour que le Tchad renoue avec les démons de la violence et de la guerre.
A la faveur de l’Accord politique du 13 août 2007 conclu avec l’opposition démocratique, il a bénéficié du soutien de la communauté internationale pour faire face aux rébellions armées qui menaçaient d’emporter son régime.
Dès que les menaces se sont éloignées, Monsieur Idriss DébyItno fit un pied-de-nez à tous ceux qui l’ont soutenu. Aujourd’hui, le pays est au bord du chaos.
Tous les patriotes tchadiens de tous les horizons politiques (mouvements armés, partis politiques, société civile et cadres) et de toutes les régions, ne peuvent laisser le pays sombrer dans cette situation de délitement continu de l’Etat, d’aggravation de la crise économique, sociale et culturelle. Il faut œuvrerafin de remettre notre pays sur la voie du renouveau démocratique.
DE L’ENLISEMENT DANS LA MAL-GOUVERNANCE
Depuis quelques années, la situation générale du Tchad n’affiche pas une sérénité présageant d’une évolution positive. Les différents indicateurs de la vie économique, sociale et politique ne cessent de se dégrader ; peu de signes tangibles d’inversion de la tendance n’apparaissent.
Le marasme sur les plans économique, financier et social
La mainmise totale des Itno sur tous les secteurs clés de l’économie et la généralisation de la prédation ontfortement ébranlé tous les secteurs économiques, tels que le pétrole, le coton, le sucre, les télécommunications, l’énergie (électricité et eau), … et ont ruiné les entreprises tant publiques que privées. L’ensemble des forces vives du pays observe que les travaux publics, les télécommunications, la cimenterie et le pétrole sont devenus les domaines réservés des Itno et sa bande.
La gestion des finances publiques est marquée par le siphonage de toutes les régies de recettes (Douanes, Impôts et Taxes) ; toutes les directions de ces régies sont confiées aux membres de la famille :
Le souverain, quant à lui, se réserve les recettes pétrolières : ainsi, à chaque versement des ponctions irrégulières, inconsidérées sont opérées ; chacun des voyages du Président-Sultan occasionne plus de cinq milliards (5 000 000000) de francs CFA au Trésor public.
La gestion des marchés publics et des projets de développement est tout simplement calamiteuse : la corruption et la prédation y sont légion, voire légitimées, le Code des Marchés publics mis entre parenthèses.
La mise en place des commissions de contrôle ou d’enquête, ainsi que la création du ministère de la moralisation, procèdent de la ruse et de la manipulation. Aucune mission d’enquête ou de contrôle n’a donné lieu à des poursuites judiciaires.
Les malversations de plus de sept milliards cinq cent millions (7 500 000 000) de francs révélées par le rapport de la mission de contrôle au Ministère des finances représentent une infime partie de ce qui se fait dans toutes les institutions et autres services de l’Etat.
Dans la réalité, ces missions sont une arme uniquement pour intimider ceux qui, devenus riches par ces biais, seraient tentés de prendre des initiatives qui mettraient en cause la toute puissance du clan des Itno.
Les conséquences sur le plan social sont patentes :
Du déficit de la gouvernance démocratique
Cette déconfiture économique et financière s’amplifie dans un contexte de déni caractérisé du Droit. Le Chef de l’Etat estime pouvoir ruser avec la Constitution, les lois et règlements de la République. Pour lui, la Constitution, les lois et règlements, de même que les accords, contrats et engagements, quels qu’en soient la nature et l’objet, n’ont de sens que dans la mesure où ils procurent des prébendes. L’exemple venant d’en haut, les responsables de tous les échelons de responsabilité se livrent sans retenue aux détournements et autres pratiques illicites et illégales.
Les droits constitutionnels des citoyens sont bafoués : le droit de manifester, de s’exprimer dans les médias publics, d’écrire des pétitions sont strictement interdits. Les Radios privées indépendantes telles FM-Liberté et Dja-FM,Brakoss de Moissala, Terre Nouvelle de Doba, pour ne citer que celles-là, les responsables de la presse écrite, les défenseurs des droits humains et des syndicalistes font constamment l’objet de surveillance, de poursuites et de lourdes condamnations à de lourdes peines par une Justice aux ordres.
Les responsables politiques ne sont pas du reste ; les arrestations arbitraires pour des motifs aussi fallacieux que ridicules sont légion (l’affaire du phacochère, l’affaire des conspirations en plusieurs actes,...).
Depuis 2001, c’est le retour accéléré vers un régime autocratique de type Parti – Etat :
C’est donc la rupture par rapport à la classe politique la plus représentative et l’isolement du MPS, avec à la clé la concentration du pouvoir réel entre les mains du Chef de l’Etat et de sa famille.
De la crise de confiance au niveau sous-régional
Au niveau de la sous-région, le Président Idriss DébyItno a réussi la prouesse de transformer la sympathie dont il jouissait de la part de ses pairs en circonspection, voire en hostilité.
Les coups d’Etat perpétrés en République Centrafricaine contre les Présidents Patassé et Bozizé, avec le chaos qui s’en est suivi, les ingérences dans la crise soudanaise et autres coups tragiques ont convaincu les uns et les autres du danger que représente le Président tchadien pour la stabilité régionale. Le soutien avéré à la Séléka de Djotodjia qui prône la partition de la République Centrafricaine a fini par ruiner son espoir d’engranger les dividendes de son intervention au Mali.
Il est de plus en plus clair que le pouvoir de N’Djamena entretient des relations incestueuses avec les terroristes du Boko-Haram à qui il livrerait armes, munitions, carburant et autres logistiques.
Auparavant, le Tchad s’est illustré par un l’envoi en Libye des troupes en soutien au Colonel Khaddafi qu’il continue de regretter publiquement.
Au lieu d’être un verrou contre la déstabilisation, le Président tchadien est perçu comme un véritable Chef d’orchestre d’entourloupes et de menées subversives transfrontalières.
La circonspection caractérise ses relations avec tous les partenaires économiques et financiers, tant multilatéraux que bilatéraux, tels que la Banque Mondiale, le Fonds monétaire international, l’Union européenne, la France, les Etats-Unis ou la Chine. Idriss DébyItno marque peu de souci pour la transparence, les principes de bonne gouvernance et le respect des engagements qu’il prend auprès de ses partenaires extérieurs et intérieurs.
Les procès entre l’Etat tchadien et les investisseurs et opérateurs économiques internationaux (ORASCOM, CNPCI, SATOM, …) sont légion.
Les rapports du pouvoir avec les populations et les pays voisins, marqués par de profondes frustrations et désillusions, ont atteint un niveau de contradictions antagoniques et irréductibles, de défiance aiguë et active
DES PERSPECTIVES DE SORTIE DE CRISE
Lavoie pacifique impliquant un processus démocratique interne :
Cette voie interne au système pour une sortie de crise implique de la part du pouvoir:
La conclusion de l’Accord politique du 13 août 2007 était l’occasion de résoudre pacifiquement, par un processus politique interne, les problèmes structurels et de gouvernance du pays.
Le bilan de la mise en œuvre de cet Accord qui se voulait fondateur est patent ; ce fut en effet un échec sur toute la ligne : les élections de 2011-2012 ont été les plus bâclées que le Tchad ait jamais connues, sans que les mesures préconisées pour assainir l’environnement général n’aient connu ne serait-ce qu’un début d’exécution.
Ce qui explique et justifie la réticence des partenaires de la communauté internationale à accompagner le processus initié par l’autocrate dans le cadre de son Cadre National de Dialogue Politique (CNDP).
Le Président IdrissDébyItno, obsédé par la conservation du fauteuil présidentiel chancelant, sans se soucier des indicateurs économiques, sociaux et politiques, convaincu du rejet total dont il est l’objet de la part de toutes les couches de la population, n’est manifestement pas en mesure de s’engager dans la voie de la saine et transparente gestion du pays, aussi bien dans le domaine économique que dans le domaine politique ; la transparence étant perçue comme synonyme d’accroissement des risques de perte du pouvoir avec des conséquences, selon lui, infernales pour lui-même et sa famille nucléaire.
Dans ces conditions, ce n’est pas le parti au pouvoir, encore moins les partis et associations satellites de la mouvance, qui l’aideront à s’engager dans une voie de réelle sortie de crise.
La voie impliquant des soubresauts violents
Des limites de la lutte armée classique
De 1999 à 2009, le pays a connu une recrudescence de la lutte armée. De nombreux mouvements politico-militaires ont été créés. Ces mouvements ont mené des raids meurtriers, jusqu’à une centaine de mètres de la résidence de l’autocrate.
Depuis le rétablissement de l’entente entre les Présidents Oumar El Béchir et Déby, des opérations de démantèlement de ces groupes ont été menées. Cependant certains ont gardé une certaine capacité d’action.
La lutte armée classique a montré ses limites. Alors que le pouvoir était à leur portée, lors des combats de février 2008, ils ont dû battre en retraite, faute d’entente, minés par des querelles de leadership, sur fond de considérations ethnico-tribales.
A l’évidence, le contexte actuel (national et international) ne permet pas à une lutte armée classique d’apporter un changement à la situation actuelle.
Des mouvements de masse civils
La difficile situation sociale crée des tensions et de mouvements de revendications de toutes sortes :
Ces mouvements de revendications ou de contestations se sont vite essoufflés.Le despote a pris des dispositions sécuritaires prévenant des tentatives de leur mutualisation et de canalisation. Il a eu aussi recours à la corruption des leaders.
Mais les acteurs civils ne désarment pas. Ils poursuivent le harcèlement du régime par :
Du programme de transition
Le salut de notre pays passe inéluctablement par la mise en place d’une nouvelle transition démocratique dont les tâches peuvent s’articuler autour des axes suivants :
La résorption des foyers des tensions
La réforme des forces de défense et de sécurité.
La réorganisation de l’Administration territoriale par :
L’assainissement de l’administration publique et la restauration de
l’autorité de l’Etat qui impliquent :
La relance de l’économie nationale par :
L’élaboration d’une Charte des Libertés et de la promotion de laDémocratie
par :
civique des populations ;
Le toilettage de la Constitution pour :
La révision du Code électoral par :
CONCLUSION
Les populations, sur l’ensemble du territoire, aspirent au changement. Les conditions objectives d’un bouleversement de l’ordre institutionnel actuel sont réunies.
Il revient aux acteurs politiques et sociaux de l’intérieur et de l’extérieur de mutualiser leurs efforts et créer une synergie à même de chasser ces prédateurs du pouvoir.
L’heure est en effet venue de se débarrasser de cette oligarchie de prédateurs.
La remise sur les rails de l’Etat, la reconstruction de l’unité nationale et la promotion de la démocratie assises sur la bonne gouvernance politique, économique, financière et sociale, impliquent incontestablement une Nouvelle Transition Démocratique inclusive.
La communauté internationale qui clame sa désapprobation de l’usage des moyens anticonstitutionnels pour la conquête du pouvoir sait que les patriotes tchadiens n’ont pas le choix. Elle est par conséquent invitée à accompagner cette lame de fond qui est déjà en action. La stabilité, la paix et la lutte contre les extrémismes notamment religieux ne peuvent pas se construire dans un contexte de confiscation du pouvoir, d’injustices flagrantes, de frustrations et de misère exacerbée.
Tchadien, Jeune, Femme, militant de parti politique, d’association de la société civile et syndicale ou citoyen, réveille-toi et apporte ta contribution, où que tu te trouves, à l’œuvre salvatrice qui est dores et déjà engagée. Ta liberté naîtra de ton courage !
Fait à N’Djamena, le 28 novembre 2014
Le Conseil Supérieur de la République