23 Février 2016
Par Senior Mbary
Cette fois-ci, c’est certain, le temps est en train de jouer contre le régime prédateur, mafieux et clanique de Deby Itno mais comme ce régime est plutôt préoccupé par le pouvoir et les avantages qui lui sont associés par égoïsme congénital qui le caractérise, il ne voit rien venir.
Ce matin, j’ai beaucoup apprécié la conclusion du petit article intitulé « Tchad : L’opposition et la société civile annoncent une marche ce matin » du 23 février 2016 sur la toile de Mr Evariste Djétéké. Cet article concluait ainsi « Qu'on le veuille ou non, ce système finira un jour par s'écrouler sous l'effet conjugué des forces endogènes et exogènes. Visiblement, ceux qui tiennent les câbles à Ndjamena, obnubilés par le pouvoir à vie, ne lisent pas les signes du temps… ».
J’ai lu aussi avec grand intérêt la Correspondance particulière intitulée « Affaire Zouhoura : un coup de pied dans la cruche publiée » mise en ligne par Tchadactuel de ce matin qui a fait une analyse très fine des pratiques de viols généralisées sous ce régime comme mode d’humiliation et d’expression de la supériorité des membres de ce clan sur les autres couches de la société tchadienne.
Comme l’a relevé aussi la correspondance, à quelque chose malheur est bon, le cas de Zouhoura a servi de détonateur à colère qui couvait depuis contre l’impunité, le mépris pour les autres, des assassinats, l’humiliation au quotidien, etc. La liste des griefs est longue, très longue même.
Les manifestations populaires, dont l’affaire dite de Zouhoura a servi de détonateur, se passent pratiquement à la veille des élections présidentielles prévues le 10 avril prochain. Elections auxquelles Idriss Deby Itno est candidat à sa propre succession pour un 5ème mandat alors qu’il est au pouvoir depuis 1990. Deby Itno sait que l’opposition politique (la vraie), la société civile (a vraie), certaines chancelleries et autres pays l’ont dissuadé de ne plus se représenter mais il est resté sourd à tous ces appels et ce sous la pression de son parti et de son clan qui considère le Tchad comme un butin de guerre.
Fort de l’armement acquis grâce aux ressources de pétrole et sûrs du contrôle total de l’appareil sécuritaire, le régime de Deby Itno et le clan sont convaincus qu’ils resteront au pouvoir aussi longtemps qu’ils le souhaitent, surtout qu’ils sont soutenus et appuyés par des milieux mafieux politiques et militaires de la France qui l’avaient amené au pouvoir.
Deby comptait passer haut les mains les élections présidentielles d’avril 2016 par la fraude pour légitimer son pouvoir parce qu’il a tout verrouillé au niveau de la CENI : choix de l’opérateur MORPHO contre l’avis de tout le monde, recensement électoral bâclé, refus du kit électoral de contrôle, recensement des mineurs et des réfugiés, etc.
Malheureusement, avec le temps et le contexte, la machine est usée et les choses ne se passeront pas comme prévu. Deby et son régime ont pris peur mais c’est déjà trop tard. Il y deux alternatives possibles : i) si ces élections se passent dans la transparence même au minima, Deby mordra la poussière ; s’il veut passer en force par des fraudes massive, c’est la rue qui tranchera et non le Conseil constitutionnel déjà acquis à sa cause. Cette analyse est basée sur les éléments suivants :
- Les manifestations déclenchées par l’affaire Zouhoua qui sont en réalité une expression de la colère contre le régime pour de nombreuses raisons ci-dessus évoquées vont s’amplifier et vont continuer certainement dans les urnes pour sanctionner le régime ;
- L’appel de plusieurs organisations de la société civile à des actions de désobéissance contre le régime finiront par cristalliser le rejet du pouvoir MPS et ce rejet passera aussi par les urnes ;
- La multiplication des candidatures au Nord du pays, ce qui est une première dans l’histoire des élections présidentielles au Tchad. La candidature du PLD est édifiant à ce titre. Non seulement ce parti est bien implanté au Nord mais le candidat investi même du parti est du Ouaddaï géographique qui est la plus grand région électorale au Nord du Tchad. Inutile de dire que le MPS sera sanctionné pour exprimer la rancœur liée à la disparition d’Ibni Oumar Saleh et le mépris de Deby pour cette disparition ;
- Les candidats sérieux du Sud tels que Mr Saleh Kebzabo, Laoukein Médard, entre autres, vont absorber au moins 40 à 50% de l’électorat sudiste ;
- La nomination de Mr Pahimi Padaket Albert et l’arrivée de certains ministres dans le gouvernement, au lieu de contribuer à l’élection du candidat MPS, vont au contraire accentuer leur rejet à cause de leur proximité avec Deby et son parti qui sont source de malheur dans beaucoup de familles dans régions d’origine de ces ministres au Sud comme au Nord du pays.
En considération de ces données, il est mathématiquement impossible pour Deby Itno de gagner les élections. S’il n’est pas éliminé au premier tour, tout au plus, il reviendra au second tour. Dans ces conditions, toute l’opposition et la société civile feront bloc contre lui.
Alors, deux scénarii possibles sont à redouter :
Premier scénario : Deby tient à garder le pouvoir bien que perdant. Il va donc utiliser toutes les forces de sécurité à sa disposition pour arrêter le processus électoral en déclarant un état d’urgence. Des négociations vont être plus tard engagées au bout desquelles une solution boiteuse sera trouvée, en termes de période de transition vers l’organisation des nouvelles élections. Même si un tel scénario était possible, Deby en sortira affaibli et rien ne sera comme avant ;
Deuxième scénario : Deby reconnait son échec et très courageusement, appelle son adversaire pour le féliciter. Un tel comportement fera de lui un héros. Son clan en profitera pour rester au Tchad et profiter des biens mal acquis accumulés honteusement. Le Tchad amorcera une nouvelle phase de sa vie dans le respect de la dignité humaine retrouvée pour tous, y compris les bourreaux mais ceux-ci devront d’abord répondre de leurs actes devant les tribunaux. La vraie paix et la véritable réconciliation nationale sont à ce prix.
Senior Mbary