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30 Juillet 2016
La dictature du régime de Deby Itno, qui ressemble étrangement à celle de Hissein Habré, par sa brutalité et sa cruauté, veut s’enraciner au Tchad. On le voit à travers le contrôle de tous les leviers de la gouvernance (politique, administrative, militaire, économique et financière) par les membres du clan ou de la belle-famille. Le pillage se fait à ciel ouvert dans l’impunité la plus totale, la répression à toute voix discordante est banalisée, entre autres.
L’humiliation est quotidienne, même vis-à-vis ceux qui travaillent durement pour son maintien n’y échappent pas. Le dernier en date est le cas de l’actuel Ministre de la Jeunesse et des Sports, Mr Bétel Miarom, qui a été humilié par le président de la Fédération Tchadienne de Football au Tchad, Mr Moctar Mahamoud, parce que proche du clan. Deby tranchant toujours en faveur de sa famille et ses parents, c’est le ministre qui risque de payer prix cher pour avoir osé défier le clan pour lequel il s’échine depuis des années en tant que Laoukoura. Ce qui est sûr, quelle que soit l’issue de ce problème, les traces de l’humiliation subie par le Ministre resteront longtemps visibles. Mais c’est aussi un message pour les autres Laoukouara même s’ils l’ont déjà entendu ou vécu dans leur chair.
Face à un tel régime qui ne changera jamais de lui-même, il n’y a pas d’autre choix que de résister, résister et encore résister si on ne veut pas se faire écraser et se retrouver deux mètres sous terre à Toukra ou Lamadji. Du reste, c’est ce que souhaitent d’ailleurs Deby lui-même et tous ceux gravitent et profitent de ce pouvoir : ne rien dire, rien voir et rien entendre de la gestion du régime du MPS.
La création du Front de l’Opposition Nouvelle pour l’Alternance et le Changement (FONAC) annoncée le 26 juillet 2016 s’inscrit dans cette stratégie globale de survie de tous les opprimés, pas seulement pour les leaders politiques qui refusent de reconnaitre les résultats de l’élection présidentielle d’avril 2016. C’est une résistance et un combat reconnus par la Constitution de la république. En réalité, étant donné que la victoire de Deby de ces élections d’avril 2016 est assimilable à un coup d’état, le soulèvement populaire est parfaitement justifié.
Je joins donc ma voix à celles et ceux qui m’ont précédé, pour féliciter et encourager l’initiative de créer le FONAC. Je fais mienne les deux citations reprises dans le communiqué de la Diaspora tchadienne du 29 juillet 2016 signé de Mr Abakar Assileck Halata, je cite « Quand l’injustice devient loi, la résistance est un devoir », « Si tu es neutre en situation d’injustice, tu as choisi le parti de l’oppresseur ». Le président Sankara disait aussi qu’il ne faut pas s’apitoyer sur l’esclave qui ne cherche pas à s’affranchir de son maître.
Il est évident que la lutte pacifique, nouvelle formule, qu’engagera le FONAC sera longue, dure et sanglante, mais c’est finalement la seule alternative restante aux Tchadiens qui veulent encore lever la tête face cette dictature moribonde. C’est d’ailleurs bien conscient de qui attend les fondateurs de cette coalition que l’ancien Premier Ministre, Mr Joseph Djimrangar Dadnadji, a prévenu les camarades de sa formation politique que s’il venait à tomber, qu’on remette son cadavre aux femmes et que la lutte continue. Cette déclaration montre le degré élevé de son engagement de lutte pour l’alternance au Tchad et devrait inspirer tous les Tchadiens désireux de s’affranchir de ce régime despotique.
Mais la prise de position de Mr Salibou Garba dans le communiqué qu’il a signé au nom de la CPDC suscite en moi, à la fois, interrogation et inquiétude. Je ne sais pas ce qui s’est réellement passé mais je ne peux pas comprendre que 31 partis politiques se retrouvent pour mettre en place une stratégie de lutte contre le pouvoir et que Mr Salibou Garba semble être scandalisé parce que la CPDC n’a pas été invitée. Mieux, il avance des arguments juridiques pour jeter le discrédit sur le FONAC, du moins certains partis politiques qui en sont membres. On est aussi en droit de se demander qu’est-ce Mr Salibou Garba a pris comme initiative face au holdup électoral ? Avait-il déposé une quelconque plainte au nom de la CPDC ?
Si on fait le point, la CPDC n’a pas empêché la fraude ni avant, ni après les élections d’avril 2016. Alors pourquoi ne pas initier et essayer d’autres méthodes de lutte ? Telle devrait être la préoccupation majeure actuellement et non cherché à s’enfermer dans un carcan aux perspectives douteuses.
Qu’est-ce qui a pu bien se passer réellement ? La question mérite bien d’être posée parce que Mr Salibou n’est qu’un rapporteur au sein de la CPDC. Le parti de l’actuel Coordonnateur adjoint, Mr Gali Ngoté Gatta et les poids lourds de cette coalition que sont l’UNDR et le PLD sont bien dans la nouvelle coalition. Comme l’a déjà dit quelqu’un avant moi, la posture prise par Mr Salibou Garba ne fera que fragiliser la nouvelle coalition ; il aurait pu s’abstenir de déclaration publique dans l’intérêt supérieur de la lutte pour le changement. Cette prise de position de Mr Saliblou semble exprimer un certain marasme au sein de l’opposition politique à coordonner la lutte vis-à-vis du pouvoir MPS. Heureusement que ce n’est qu’une apparence puisque la stratégie coordonnée de cette opposition par rapport aux dernières élections présidentielles a fait mordre la poussière à Deby en le classant en 4ème position avec 10% des voix. Du fond d’eux-mêmes, Deby et son parti qui ont aussi les vrais résultats le savent très bien. C’est connu, dans les régimes dictatoriaux comme ceux du Tchad, du Gabon et du Congo, la Cour constitutionnelle a été toujours appelée à la rescousse pour valider des vrais faux résultats et c’est ce qui s’est passé au Tchad.
La lutte contre la dictature de Deby Itno va entrer dans une nouvelle phase et prendra une autre forme avec le FONAC. Le régime fera certainement recours à sa méthode favorite, qui caractérise son pouvoir, à savoir la terreur par la répression massive dans le sang. Cette méthode sera associée aux instruments juridiques à sa dévotion. L’objectif visé sera de briser et d’étouffer dans l’œuf la contestation. Si le FONAC cède, le régime gagnera mais pour peu que la résistance s’organise le régime s’effondra parce qu’il est illégale et impopulaire.
Le FONAC a donc l’obligation de résultat, non seulement pour libérer le peuple tchadien du joug de cette bande de pédophiles, de voleurs et des criminels mais aussi pour porter haut les idéaux nobles pour lesquels Pr Ibi Oumar Mahamat Saleh a sacrifié sa vie. Cette lutte devra se nourrir, pour l’instant, des ressources internes que sont la mobilisation et la détermination des tchadiens, partis politique, société civile et individualité confondus. En revanche, il ne faut rien attendre ni de la France, ni des Etats Unis, deux pays qui ont soutenu corps et âme le régime de Mr Hisseine Habré jusqu’à ce que leur intérêt soit menacé avant de faire marche en arrière en le lâchant. Le scénario est quasi-identique avec le régime de Deby actuellement. Un proverbe tchadien dit « qu’aussi longtemps que tu ne seras pas touché toi-même par le mal, tu ne sentiras rien ». Autrement dit, ceux qui souffrent réellement de ce régime barbare sont les Tchadiens qui le vivent au quotidien, à eux donc de lutter en priorité pour se libérer et imposer l’alternance. Il n’y a plus d’autres issues possibles puisque tout a été déjà essayé : dialogue, élections, ….mais en vain.
Senior Mbary