14 Décembre 2019
Son Monsieur le Président,
Il n’est pas fréquent qu’un opposant politico-armé s’adresse au Président de la république pour exprimer son inquiétude et sa crainte pour l’avenir d’un compatriote tchadien.
Vous passeriez sans doute d’excellentes fêtes de fin d’années auprès des vôtres, de vos épouses, enfants, petits-enfants, parents, amis, et proches.
Une famille, parmi tant d’autres, est séparée en cette fin d’année, alors que vous pouviez leur éviter cette douloureuse situation. Il s’agit de la famille de notre compatriote et frère MAHAMAT NOUR IBEDOU, secrétaire général de la Convention tchadienne pour la défense des droits de l'homme (CTDDH), incarcéré arbitrairement à la prison d'Amsinéné depuis le mois de novembre dernier.
Le mur du silence entourant l’histoire de notre frère, MAHAMAT Nour Ibedou, a fini par se lézarder ces derniers jours, grâce en particulier au travail courageux et inlassable de certains de nos concitoyens et de l’implication des organisations en charge de la préservation des droits et libertés individuelles.
Monsieur le Président, cette injustice faite à un compatriote commence à être connue et réprouvée dans le monde entier, y compris par des organisations de défense des droits de l’homme. La détention arbitraire de Monsieur Ibedou restera dans les mémoires tchadiennes comme une des plus grandes injustices une fois de plus dans notre pays.
Monsieur le Président, vous n’en n’avez peut-être pas conscience, mais la justice tchadienne a pris depuis bien longtemps des allures exécrables et arbitraires. Elle n’est plus la gardienne des lois et règlements. Elle est décriée aussi bien de l’extérieur qu’à l’intérieur. Vous êtes, comme on dit, à la croisée des chemins et je comprends ce genre de situations où, parce qu’on a décidé de ne pas perdre, quoi qu’il advienne, on s’engage finalement dans des voies sans issue. La triste situation de notre compatriote Ibedou n’augure rien de bon.
Si aujourd’hui personne n’a pu prendre le courage à deux mains et venir vous demander le réexamen des conditions de sa privation de liberté, voire une clémence pour notre compatriote Ibedou pour lui permettre de rentrer chez lui auprès des siens, nous exigeons la libération sans condition de Monsieur Ibedou.
Vous savez pertinemment qu’il n’est pas normal de jeter un citoyen en prison impunément au mépris des droits de la défense et d’une garantie procédurale dans notre pays prétendu être un « État de droit ». Je pense aussi qu’il n’est pas compliqué de le renvoyer devant un tribunal compétent, indépendant et impartial avec un dossier étayé reposant sur des faits matériels et incontestables en lui accordant tous les droits universels des justiciables, à commencer par le droit à la présomption d’innocence.
Je ne suis pas du genre à faire la morale aux autres, mais au-delà d’une certaine limite cela n’est plus acceptable. Cette limite, au demeurant, est atteinte lorsqu’il s’agit de la dignité ou de l’intégrité d’un frère ou d'un compatriote qui est en jeu.
Comme vous le savez, le Tchad a également adhéré au Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Or, ce protocole donne compétence au Comité des Droits de l'Homme des Nations Unies pour examiner toute plainte individuelle alléguant une violation du Pacte par le Tchad.
C'est la raison pour laquelle je me permets de vous suggérer, Monsieur Président, pour sauver les apparences ainsi que la face aux yeux du monde bien qu’il est très difficile de vérifier leur respect de droit de l’homme au Tchad et éviter de poser un cas de conscience aux Juges chargés d’instruire le dossier de Monsieur Mahamat Nour Ibedou , Je vous demande une fois de plus d’ordonner l'arrêt des poursuites a l’encontre de Monsieur Ibedou par l’intermédiaire des procureurs généraux qui vous sont directement subordonnés en droit.
En remettant en liberté le frère MAHAMAT NOUR IBEDOU ainsi que les autres personnes détenues arbitrairement de tous les lieux de privation de liberté au Tchad, vous utiliserez ainsi à bon escient les pouvoirs qui vous sont reconnus par la loi.
Dans l’attente que le bon sens l’emporte en cette année qui commence, veuillez croire, Monsieur le Président, à mes sincères salutations citoyennes.
Abdelmanane Khatab