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22 Décembre 2010
A quoi joue Deby en imposant des prix, de manière volontariste, aux commerçants de denrées alimentaires de première nécessité?
Par principe, je suis contre le volontarisme tel que je le conçois. Cependant, dans certains cas, et surtout en ce qui concerne notre société, le volontarisme n’est
pas toujours non avenant (c’est aussi un point de vue personnel). Nous sommes restés encore, fort malheureusement, une société « citoyennement » immature. Qu’on ne me demande pourquoi je dis
cela. Les preuves de notre immaturité citoyenne, nous les révélons à la face du monde chaque jours, et avec beaucoup d’insistance. Sous d’autres cieux, cela s’apparenterait à une forme de
masochisme (social ou religieux). Mais là, n’est pas le sujet. Passons !
Cela dit, je ne suis pas contre la réduction des prix des denrées alimentaires ; au contraire, je trouve que cette mesure de réduction des prix devait être prise
depuis longtemps. D’ailleurs, mes convictions en matière d’économie politique ne peuvent que me pousser à applaudir une telle décision de régulation des prix, en rapport avec le pouvoir d’achat
réel des citoyens. Bien plus, j’aurais aimé que l’Etat ne se limite pas seulement aux produits de première nécessité ; il doit étendre cette volonté de régulation des prix aux autres produits et
articles d’autres secteurs de la vie (les services, par exemple)
Mais, alors où est le problème, pourrait-on se demander. Eh bien, le problème est que telle qu’elle est conçue et appliquée, cette volonté constitue, au contraire,
le nœud du problème qui désarticule toutes les « bonnes intentions du président » parce que les plus démunis au lieu de s’en réjouir, ils se retrouveront avec un pouvoir d’achat encore plus
faible et les bénéficiaires en seraient encore les plus riches.
Ainsi donc, par sa partialité, parce qu’elle ne prend pas en compte les autres secteurs de la vie du citoyen, la mesure de Deby qui, apparemment, ambitionne
l’aisance alimentaire du peuple, crée plus de problèmes sociaux qu’elle n’en résout. Elle pourrait même passer pour une politique ségrégationniste qui ne dit pas son nom. Au lieu d’être une
action politique (même volontariste) au bénéfice du citoyen aux revenus faibles, elle apparait comme une mesure permettant à enrichir d’avantage les déjà riches qui sont d’ailleurs à la base de
la flambée inexpliquée des prix des denrées de première nécessité et des services.
Les plus riches (les corrupteurs et les corrompus) seront plus riches et les pauvres s’appauvriront d’avantage.
De nos jours, au pays des Saos, dire riches et corrupteurs ou corrompus est un pléonasme ou, du moins, en ce qui concerne la quasi-totalité parmi ceux-ci ; pour ne
pas paraitre « mauvaise langue ». Ce n’est un secret pour personne que notre société n’est constituée que de deux classes : les très riches et les très pauvres. Il n’y a pas une classe
moyenne.
Et à travers cette mesure de réduction des prix de première nécessité que j’appellerais une politique de coercition visant la classe la plus démunie, Deby semble
plutôt donner l’occasion aux hommes d’affaires, qui sont majoritairement issue de son ethnie, à faire plus d’économie sur le dos de la population tchadienne, laquelle population qui subit toutes
les formes d’humiliations dont il n’est pas nécessaire d’énumérer.
En fait, qui sont ceux qui doivent baisser les prix de leurs produits ?
Ce sont les agriculteurs qui sont bien entendu des paysans dont tout le monde sait les condition dans lesquelles ils travaillent et les éleveurs et donc les nomades
qui ne connaissent aucune autre activité génératrice de revenu à part vendre leurs bétails qu’ils entretiennent dans les conditions que l’on sait aussi. Ces deux catégories des tchadiens doivent
vendre les produits de leur labeur de plusieurs saisons à vils prix pendant que le président ne dise rien du prix de transport urbain et interurbain sachant que les paysans ne portent pas leurs
produits sur le dos jusqu’au marché, lieu d’écoulement.
Qu’on ne me dise pas que seuls les barrières ou les barrages (c’est selon) de douaniers et autres escrocs de la république, sur la route, qui augmentent le prix de
revient des produits.
Plus grave, le président claironne ouvertement que ses mesures-ci veuillent que les couches sociales les plus démunies puissent manger deux fois par jour. En
d’autres termes, ces couches-ci n’ont d’autres soucis que de « manger ». Ils n’ont pas d’autres ambitions, comme devenir riches par exemple. Alors que les riches qui sont généralement enrichis de
la manière que l’on sait, par contre, au lieu d’acheter des produits au prix élevé, peuvent faire d’avantage d’économies.
Les éleveurs et les cultivateurs n’ont pas le droit de faire des économies pour s’acheter des parcelles de terrain et les construire. Ils n’ont pas le droit à avoir
assez d’argent pour subvenir aux besoins de leurs enfants qui étudient à l’étrangers et qui n’ont pas des bourses d’études. Ils n’ont pas tout simplement le droit de « rêver » à une vie
meilleure. Ils doivent simplement travailler et vendre moins cher leurs produits afin qu’ils puissant manger deux fois par jour. Encore que ce qu’ils ont droit de manger soit une ration
alimentaire complète, du point de vue nutritionnel.
Bref, cette politique de réduction des prix des denrées de première nécessité ne pourrait être applaudie que lorsque les autres secteurs de l’économie connaissent
des réductions semblables.
En attendant la réduction des prix des parcelles de terrain, des loyers, de matériaux de construction etc. soit effective, cultivateurs et éleveurs, unissez-vous
!
Albissaty Saleh Allazam