Longtemps laissé à la traîne, l’appareil
judiciairtchadien, gangrené par plusieurs maux, fait curieusement depuis peu, l’objet d’une attention particulière des autorités politiques. Décryptage.
Par Eric Topona, journaliste de la Voix.
La Constitution de la République du Tchad proclame l’indépendance des pouvoirs exécutif, législatif, et judiciaire. Cette indépendance reconnue et promue dans
toutes les ‘’bonnes démocraties’’ du monde, suppose la mise à la disposition de ces trois pouvoirs, levier du bon fonctionnement des différentes
institutions, des moyens conséquents, à l’image de leur indépendance.
Malheureusement, et c’est à le déplorer, l’appareil judiciaire traverse une période de turbulence, de léthargie, due notamment au laxisme, à l’impunité, à la
corruption, à la concussion….. Conséquence, ceux qui sont appelés à dire le droit, en sont réduits à accepter des strapontins et autres pots de vin de la part des justiciables, et même de la part
des autorités politiques, une entorse aux règles d’éthique et de déontologie du métier. Ces magistrats et autres auxiliaires de la justice pouvaient-ils faire autrement, quand on sait
que les salaires et indemnités qui leur sont dus, ne répondent pas à leurs attentes ? Du coup, la question de la revalorisation de ce corps refait surface, avec en filigrane, l’adoption d’un
statut qui leur offrirait plus de crédibilité, et les mettrait ainsi à l’abri de tous les actes contraires à leur déontologie.
L’autre pan du problème de la justice tchadienne, est l’impunité qui a toujours nourri les crispations et animé les débats les plus passionnés. Conscient de ce mal,
le président de la République avait affirmé il y a quelques années, la fin de l’impunité, et qu’il n’y a pas d’intouchables dans ce pays. Tous les Tchadiens sont égaux devant la loi de la
République. Dans la pratique, c’est la politique du deux poids deux mesures. Le vœu du chef de l’Etat n’est que chimère, car il y a bien des intouchables, qui se soustraient des mailles de
la justice. Mieux, ils narguent même leurs victimes.
Ces dysfonctionnements ont pourtant toujours été décriés. Des remèdes ont été proposés lors des états généraux de la justice. Mais rien n’y fait. Le mal
persiste, s’il ne s’est aggravé, au grand dam de la démocratie tchadienne.
A la suite de ‘’l’affaire Badaoui’’ qui a emporté certains pontes du régime Déby, et non des moindres, les observateurs les plus
avisés de la scène politique sont tentés de se reposer cette question : la justice tchadienne est-elle un instrument de manipulation politique ou politicienne ? La réponse à
cette question n’est pas aisée, car elle dépend de quel bord on se situe.
Une chose est sûre, dans cette affaire du marché 205, du ministère de l’Education nationale, certains magistrats ont dû recevoir des pressions venues d’en haut,
pour orienter telle ou telle affaire, dans un sens voulu par les politiques, du moins par le pouvoir. La preuve, des hauts cadres inculpés, puis incarcérés à la Maison d’arrêt, ont bénéficié d’un
non-lieu.
L’une des tares de la justice tchadienne s’avère être le manque de qualification et d’adaptation aux réalités du monde moderne des magistrats. Si des
résultats probants sont attendus des magistrats, il est nécessaire de leur donner les moyens de leur action, par des stages de recyclage, de perfectionnement, pour éviter la sclérose.
Certains d’entre eux, ayant suivi des formations générales, ne sont pas au fait des subtilités de l’évolution de leur profession. Ainsi, lors de l’éclatement du scandale de la corruption au
ministère des Finances, et même au ministère de l’Education nationale, des magistrats ont eu du mal à traiter l’affaire, simplement parce qu’ils ne sont pas outillés pour traiter les
dossiers d’une certaine nature.
Eric Topona