26 Avril 2011
Tchad : Entre formalité et non-évènement
Idriss Déby Itno et ses amis, avant même le dépouillement des bulletins du scrutin présidentiel, peuvent pavoiser et, pourquoi pas, commencer à sabler le champagne. Personne ne croit au miracle. Le président sortant, qui se retrouve pratiquement seul candidat, flanqué de deux accompagnants de luxe - histoire de crédibiliser le processus- va, à coup sûr, remporter cette présidentielle sans coup férir.
On n’envisage même pas le tremblement de terre qui pourrait l’envoyer au second tour. Bien au contraire, on s’attend à une victoire sous forme de raz-de-marée, comme cela est de bon ton, en pareille circonstance.
Avec à la clé un score sans doute faramineux qui gravite autour des 80%. C’est dire que la chose est d’avance pliée, et déjà, Déby peut savourer une victoire acquise de « haute lutte », songer aux préparatifs d’une investiture qui se voudra grandiose à la hauteur de la « confiance renouvelée » et patati et patata.
Et pourtant, l’homme est aux commandes du Tchad depuis l’aube des années 90, excusez du peu ! Ce mandat présidentiel qu’il brigue et qu’à coup sûr il remportera est bel et bien le quatrième de sa carrière de chef d’Etat.
Les principaux opposants au président Déby ne seront pas de la fête : refusant de cautionner ce qu’ils qualifient de « mascarade électorale », ils auront préféré appeler au boycott. La victoire n’en sera que plus facile pour le président sortant, dont on avait fort justement pensé que ce ne serait pas la toute nouvelle manne pétrolière qui le déciderait à passer les commandes du Tchad à quelque compatriote, aussi talentueux soit-il.
On pourra toujours gloser sur la politique de la chaise vide des opposants qui baissent les bras et refusent même de combattre. Tout comme on pourra toujours clamer haut et fort que la meilleure des manières de battre l’adversaire commande de prendre part aux élections.
Mais on revient toujours à la case départ : lorsque, dans un système électoral, le processus est tellement verrouillé et maîtrisé par ses concepteurs au point que l’opposant invité au scrutin ne peut y voir que du feu, on ne peut pas vraiment s’étonner que ce dernier, fort logiquement d’ailleurs, décline l’offre.
Les principaux opposants tchadiens ont compris que Déby ne voyaient en eux que des espèces de faire-valoir qui crédibiliseraient un peu plus un processus électoral dont ils sont cependant persuadés qu’il n’est ni plus ni moins qu’une mascarade dont les dés sont pipés, et les jeux faits à l’avance.
On ne saurait raisonnablement leur en faire grief. Par contre, à la faveur de cette « fausse » consultation populaire, on l’aura noté, Déby fait désormais partie du cercle jadis fermé de ces dirigeants africains qui habitent des palais présidentiels depuis plus de deux décennies et qui n’entendent pas s’arrêter en si bon chemin.
Et les interrogations qu’ils suscitent sont toujours les mêmes : pourquoi un tel acharnement à se fossiliser au pouvoir ? Les cimetières étant remplis d’hommes indispensables, se peut-il qu’ils pensent que sans eux leurs nations subiront le déluge ?
Et pourquoi ne pas accepter, en toute humilité, que quelqu’un d’autre qu’eux propose à son tour ce qu’il trouve bon pour leur nation que tous prétendent aimer et vouloir servir ? Mais on aura raisonné sans tenir compte de l’argument massue régulièrement brandi pour expliquer et justifier la pérennisation au pouvoir :
les chantiers à terminer. Et ces chantiers-là sont en dernier ressort les perfides assassins de la démocratie en terre africaine. A contourner avec précaution.
Jean Claude Kongo - L’Observateur Paalga