Afrique : Après la chute de Ben Ali, Moubarak et Kadhafi, «les derniers dictateurs de l’Afrique»
Installé fin 1990 par la France, son armée et ses services secrets, sur fond d’enjeu pétrolier avec le soutien
du régime soudanais, Idriss Déby s’est depuis signalé par la systématisation de la terreur, la banalisation de la torture. Alors que les tchadiens aspirent à une vraie démocratie, ce chef de l’Etat
vient de se faire encore réélire avec plus de 88% des voix au mépris de la culture démocratique. Mais comment cet ancien rebelle qui a subi la dictature de son prédécesseur Hissen Habré a pu
lui-même devenir un tyran ? Le 1er décembre 1990. Le tyran et criminel contre l’humanité Hissène Habré est chassé du pouvoir par la France officiellement en raison de son refus de mettre en place
un multipartisme préconisé par François Mitterrand au sommet de la Baule. Officieusement parce qu’il a voulu renégocier les accords dits de coopération signés avec la France depuis la fausse
indépendance et fermer toutes les bases de l’armée coloniale française sur le sol national. Pour la France cela est inacceptable et son ex-protégé doit quitter le pouvoir. Idriss Déby prend donc le
pouvoir, soutenu par le régime de Khartoum, avec l’aide de la France qui maintient son dispositif militaire. Mais fort curieusement lui aussi verse dans la répression de ses opposants. Au pouvoir
depuis près de 21 ans déjà, il fait sauter le verrou constitutionnel. Le 26 mai 2004, les députés adoptent une modification constitutionnelle qui lève la limitation des mandats présidentiels
auparavant fixée à deux. Il est réélu pour un troisième mandat le 3 mai 2006 avec 64,67 % des suffrages exprimés, un mois après l’attaque manquée menée par le Front uni pour le changement (FUC) du
capitaine Mahamat Nour (un des mouvements rebelles en lutte contre le pouvoir) sur N’Djamena le 13 avril, le jour où son principal opposant Ibni Oumar Mahamat Saleh a disparu. Le mois dernier, il a
encore prêté serment pour un nouveau mandat. Aujourd’hui, Idriss Deby en faux démocrate fait partie des vestiges des chefs d’Etats qui oppriment leur peuple.
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Petit à petit, l’Afrique aidée de l’occident se débarrasse de ses dictateurs. Après Ben Ali de la Tunisie, Hosni Moubarak de l’Egypte et Mouammar Kadhafi, l’Afrique
compte encore des pays dont les chefs d’Etat dirigent leur pays d’une main de fer et ont déjà chacun fait au moins de 20 ans au pouvoir. C’est le cas des peuples du Zimbabwe, du Cameroun, du
Burkina Faso, du Tchad, du Congo, du Tchad et de la Guinée Equatoriale qui peinent à se débarrasser de leurs dictateurs. La récente défaite de Kadhafi devrait donner une leçon à chacun d’eaux.
Incursion dans l’univers de ces dictateurs des temps modernes qui sous le couvert de parodies d’élection s’éternisent au pouvoir en Afrique. Robert Mugabe, un despote qui veut mourir au
pouvoir
Quand le 17 avril 1980, Bob Marley entonnait au stade d’Harare sa chanson « Zimbabwe », marquant dans la joie et le reggae la naissance du dernier-né des Etats africains, sur les
décombres de la Rhodésie de la minorité blanche, beaucoup étaient loin d’imaginer que 31 ans après, le pays serait en perdition, avec un régime autoritaire et démagogique. Robert Mugabe au
pouvoir depuis 18 avril 1980 avait une vision radicale du changement de société à venir, mâtinée du pragmatisme inspiré par les déboires et les erreurs du Mozambique révolutionnaire voisin, qu’il
avait pu observer de près en exil. Plus de 31 ans plus tard, son règne finissant tourne au cauchemar pour l’ensemble de ses douze millions d’habitants. Robert Mugabe joue sur une ultime carte
pour la survie de son régime, celle d’un patriotisme économique douteux, basé sur des critères raciaux. De nouvelles lois introduites fin juillet obligent toutes les entreprises à être possédées
à 51% par des Zimbabwéens noirs. A 87 ans révolus, Mugabe veut se encore présenter à la prochaine élection dans son pays. Il n’a pas l’intention de passer la main, même si certains de ses
lieutenants aimeraient bien le pousser vers la sortie. Ses voisins d’Afrique australe seraient eux-aussi tentés de lui donner gentiment un coup de pouce vers la retraite, un pas que l’Afrique du
Sud, la principale puissance régionale, a hésité à franchir jusqu’ici. Mugabe peut aussi compter sur le soutien sonnant et trébuchant de la Chine pour renflouer ses caisses vides, et tenir ainsi
à la tête d’un pays exsangue et démoralisé, défiant le reste du monde et son propre peuple. Jusqu’à quand ?
Paul Biya encore candidat en octobre prochain ?
Un autre vestige de l’Afrique, le président camerounais Paul Biya qui a conduit son pays à la ruine. Au pouvoir depuis le 6 novembre 1982, après l’annonce
radiodiffusée par le président Ahidjo de sa démission le 4 novembre, Paul Biya dirige le Cameroun sans partage n’hésitant pas à éliminer ses opposants. A 78 ans il veut encore briguer un nouveau
mandat de 7 ans. La date de l’élection qui jusque là était inconnue a été rendue public le mardi 30 aout dernier à travers un décret présidentiel. En effet, selon un décret du président Paul
Biya, « Les électeurs sont convoqués le 9 octobre 2011 à l’effet de procéder à l’élection du président de la République ». Le scrutin présidentiel est à un tour, le président étant élu pour un
mandat de 7 ans renouvelable. Paul Biya, 78 ans, au pouvoir depuis 1982, ne s’est pas encore exprimé sur ses intentions, mais le ministre de l’Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo, chargé
de la communication du parti, avait affirmé le 16 juillet que M. Biya « est le candidat du RDPC à l’élection présidentielle de 2011″. Le 23 juin 2010, le magazine américain, Foreign Policy du
groupe de presse du Washington Post a rendu public un article qui recense 40 dictateurs dans le monde actuel. Dans cette livraison, cette publication met particulièrement en exergue les chefs
d’Etats africains. Réalisé par le président de la Free Afrique Foundation, qui a son siège à Washington (Etats-Unis), l’économiste ghanéen, George B N Ayittey le classement épingle le Camerounais
Paul Biya. Le président camerounais occupe ainsi la 23e position de ce répertoire d’abord pour la longévité au pouvoir (28 ans). Mais aussi pour les cas répétés de violation des droits de l’homme
dont « le récent assassinat en prison du journaliste Bibi Ngota ». Si à 78 ans dont 50 dans les arcanes du pouvoir, cet homme ne pense pas quitter le pouvoir, les deux options qui restent aux
Camerounais sont celles de la Tunisie ou de la Lybie. Blaise Compaoré face à son destin en 2015 En Afrique de l’ouest, le seul président en exercice qui a passé la barre des 20 ans est celui du
Burkina Faso, Blaise Compaoré. Au pouvoir depuis octobre 1987 après l’assassinat de son ami Thomas Sankara, Blaise Compaoré est un dictateur qui se déguise sous le manteau de la démocratie.
Aujourd’hui après la crise qui a secoué ce pays, ils sont plusieurs à se demander ce que fera cet homme à la fin de son mandat en 2015. Même son dernier message ne permet pas de se fixer. Un
message ambigu puisque le président burkinabè, au pouvoir depuis 1987, s’est engagé au « respect de la Constitution », sans dire explicitement s’il comptait ou non la réviser pour pouvoir briguer
un nouveau mandat en 2015. Les partisans du chef de l’Etat demandent la révision de l’article 37 de la Constitution de façon à supprimer la limitation du nombre de mandats. Ce débat a ressurgi
alors que le régime est confronté à une crise sociale sans précédent, marquée en particulier par de nombreuses mutineries de militaires. Respecter la Constitution, cela ne veut pas dire si oui ou
non il va modifier l’article 37. Comme le soulignent les opposants, le président burkinabè aurait pu annoncer explicitement qu’il renonçait à se présenter en 2015. Pourquoi ne l’a-t-il donc pas
fait ? Hésite-t-il ? Attend-il ? Voilà toute l’ambiguïté. Né le 3 février 1951, le président burkinabè vient de boucler ses 60 ans dont 24 au pouvoir, et à cet âge, il peut encore faire beaucoup
de choses pour son pays et pour l’Afrique en n’étant plus chef de l’Etat. Les exemples de Jerry John Rawlings et de Alpha Omar Konaré sont là pour en témoigner. Dans tous les cas, il sera face à
son destin en 2015 mais déjà il doit faire face aux mutineries de son armée qui sont fréquentes.
Denis Sassou N’Guesso, un mégalomane qui a mis à genou son pays
Après l’assassinat le 18 mars 1977 de Marien Ngouab, le Comité Central nomme Sassou Nguesso président provisoire le 8 février 1979, et convoque le 3e Congrès
extraordinaire du parti. Celui-ci se tient fin mars 1979 et l’élit président du comité central du PCT, et de droit président de la République pour cinq ans. Il nomme Louis Sylvain-Goma Premier
ministre, et conserve lui-même le poste de ministre de la Défense. Le 8 juillet, il fait adopter par référendum une nouvelle Constitution, qui pour l’essentiel remet en vigueur les institutions
politiques d’avant le CMP. Le 14 août, il élargit tous les prisonniers politiques (condamnés de l’affaire Ngouabi et autres). Aux débuts de son mandat, il se positionne par rapport à Marien
Ngouabi. À la fois dans la continuité, affectant la même simplicité et la même proximité au peuple, et en rupture, se posant comme l’homme des actions concrètes. Mégalomane, Sassou Nguesso se
livre à des dépenses folles. A l’avènement du renouveau démocratique, il est battu par Pascal Lissouba aux élections d’aout 1992. Mais lors des guerres civiles de l’été 1997 et de 1998-99,
financées par Elf et plusieurs banques françaises et soutenu par les milices les Cobras, Denis Sassou Nguesso revient au pouvoir mais non sans massacrer et violé de façon systématique. On parle
de 100 000 morts. La justice française a reconnu en 2002 qu’on pouvait parler de Denis Sassou Nguesso comme d’un « dictateur », auteur de « crimes contre l’humanité ». L’affaire des « disparus du
Beach », le massacre de 300 jeunes rapatriés, est venue le confirmer. Sur un autre registre, un fond d’investissement américain a montré qu’entre 2003 et 2005, il avait « oublié » de
comptabiliser dans les recettes publiques près d’un milliard de dollars de revenus pétroliers, soit plus de 15% du budget de l’Etat ! Pour assister à l’assemblée générale de l’ONU en septembre
2006, alors qu’il était président en exercice de l’Union africaine, lors d’un autre séjour de cinq nuits, ses collaborateurs et son équipe diplomatique auraient occupé 44 chambres, provoquant une
facture de £130 000, soit près de 130 millions de francs CFA, toujours au compte de l’État congolais. Le journal britannique The Sunday Times, lui aussi propriété du magnat Ruppert Murdoch,
ironise en précisant que ce montant dépasse de loin le très faible montant de l’aide humanitaire consentie au Congo par le Royaume-Uni en 20062. Dernier détail accablant pour la moralité du
dictateur : ces notes extravagantes ont été payées en liquide. Aujourd’hui, à 68 ans, il totalise, pas moins de 27 ans au pouvoir et à l’allure où vont les choses, il n’est pas prêt de quitter
les choses à moins que les choses ne le quittent.
Idriss Deby, le dictateur élu avec un score stalinien
Installé fin 1990 par la France, son armée et ses services secrets, sur fond d’enjeu pétrolier avec le soutien du régime soudanais, Idriss Déby s’est depuis signalé
par la systématisation de la terreur, la banalisation de la torture. Alors que les tchadiens aspirent à une vraie démocratie, ce chef de l’Etat vient de se faire encore réélire avec plus de 88%
des voix au mépris de la culture démocratique. Mais comment cet ancien rebelle qui a subi la dictature de son prédécesseur Hissen Habré a pu lui-même devenir un tyran ? Le 1er décembre 1990. Le
tyran et criminel contre l’humanité Hissène Habré est chassé du pouvoir par la France officiellement en raison de son refus de mettre en place un multipartisme préconisé par François Mitterrand
au sommet de la Baule. Officieusement parce qu’il a voulu renégocier les accords dits de coopération signés avec la France depuis la fausse indépendance et fermer toutes les bases de l’armée
coloniale française sur le sol national. Pour la France cela est inacceptable et son ex-protégé doit quitter le pouvoir. Idriss Déby prend donc le pouvoir, soutenu par le régime de Khartoum, avec
l’aide de la France qui maintient son dispositif militaire. Mais fort curieusement lui aussi verse dans la répression de ses opposants. Au pouvoir depuis près de 21 ans déjà, il fait sauter le
verrou constitutionnel. Le 26 mai 2004, les députés adoptent une modification constitutionnelle qui lève la limitation des mandats présidentiels auparavant fixée à deux. Il est réélu pour un
troisième mandat le 3 mai 2006 avec 64,67 % des suffrages exprimés, un mois après l’attaque manquée menée par le Front uni pour le changement (FUC) du capitaine Mahamat Nour (un des mouvements
rebelles en lutte contre le pouvoir) sur N’Djamena le 13 avril, le jour où son principal opposant Ibni Oumar Mahamat Saleh a disparu. Le mois dernier, il a encore prêté serment pour un nouveau
mandat. Aujourd’hui, Idriss Deby en faux démocrate fait partie des vestiges des chefs d’Etats qui oppriment leur peuple.
Teodoro Obiang Nguema Mbasogo ne veut pas quitter ‘’son’’ pétrole
Un autre dictateur qui veut mourir au pouvoir, le président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. Arrivé au pouvoir en 1975, il est aujourd’hui reconnu
comme un prédateur de la libre expression. Mais comment en est-on arrivé là. C’est en 1975, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo prend la tête des forces armées de son pays puis est nommé vice-ministre
des Forces armées populaires en 1979. La même année, il renverse son oncle, prend le pouvoir comme président du Conseil militaire suprême avant d’être nommé président de la République en 1982. Et
depuis, il ne lâche pas le morceau. Le 22 août 1982, la proclamation des résultats du référendum sur une nouvelle Constitution annonce une majorité de 95,38 % de oui. Il sera élu président de la
République en 1989 (99,96 % des voix) et réélu en 1996 (99 %), en 2002 (97,1 %) et 2009 (96,7 %). Selon Reporters sans frontières, il fait partie des « prédateurs » de la liberté de la presse, au
côté de Fidel Castro et Than Shwe et n’hésite pas à confondre les fonds publics issus de la vente du pétrole à ces ressources propres. Avec ses 69 ans officiels, le président équato-guinéen
Teodoro Obiang Nguema Mbasogo entre dans le cercle fermé des chefs d’état africains qui doivent instaurer des régimes démocratiques dans leur pays et quitter le pouvoir pour laisser la place à
d’autres et ‘’son’’ pétrole.
De la nécessité de tourner la page de ces présidents
Cette liste même si elle a le mérite de faire le tour des dirigeants qui s’éternisent au pouvoir n’est pas exhaustive. Le cas soudanais devrait être aussi évoqué.
Bonne note quand même, c’est que José Eduardo Dos Santos au pouvoir depuis 1979 en Angola, qui fait partie de cette race de chefs d’Etats a déclaré qu’il ne sera pas candidat à l’élection
présidentielle de 2012 dans son pays. Vivement que cela soit respecté. Celui qui déçoit le plus, c’est Abdoulaye Wade du Sénégal qui se découvre des talents de dictateur assoiffé du pouvoir.
Comme l’écrit Judith Garfield Todd, une opposante blanche à Mugabe, fille d’un ex-Premier ministre libéral qui fut emprisonné par l’ancien régime de Ian Smith, ‘‘je n’arrive pas à comprendre
comment des gens qui ont souffert entre les mains d’oppresseurs ont pu se transformer en oppresseurs eux-mêmes’’. C’est sur ces mots de Judith Garfield Todd que ce dossier consacré au reste des
dictateurs africains qui sont toujours au pouvoir après l’époque des présidents Bokassa, Amin Dada, Houphouët , Mobutu, Traoré, Eyadema, Bongo, et ceux récemment chassés comme Ben Ali, Moubarak
et Kadhafi se ferme. La lutte des peuples africains pour leur liberté continuent
Source: http://www.gaboneco.com