Justice internationale : Habré, le dilemme tchadien
Traqué, acculé par ses opposants des plus irréductibles depuis sa vaine tentative pour donner un coup de pouce politique à son illustre fils de Karim dont les dents de lait peinent encore à
tomber, Abdoulaye Wade a, certainement, cru avoir trouvé une bouée de sauvetage contre l’orage qui menace son trône, en promettant urbi et orbi Hissène Habré, l’ancien président tchadien, aux
siens qui réclament son scalp, à cor et à cri, pour crimes de sang et crimes contre l’humanité perpétrés durant son règne (07 juin 1982 - 02 novembre 1990).
On sait le chantre du « Sopi » maître dans l’art de la ruse, mais, sur ce dossier pendant, comme qui dirait, à mille lieux de Dakar, il aura échoué à semer la meute, tant la
désapprobation qui a accueilli cette promesse royale aura vite franchi les frontières sénégalaises.
Car, si ce n’est pure diversion, pourquoi avoir fait la sourde oreille depuis que la justice internationale lui réclame l’ex-dictateur tchadien ; avoir brouté impunément les 2 milliards FCFA
débloqués par N’Djaména en faveur de l’impossible procès, et avoir attendu que le navire de la famille Wade commence à tanguer au milieu des eaux tumultueuses du fleuve Sénégal pour jeter
par-dessus bord ce passager de luxe à la merci des requins aux dents accérées qui peuplent encore les rives du lac Tchad et ce, depuis une vingtaine d’années ?
Certes Habré, à l’instar de ces prédateurs qui ont endeuillé et continuent d’endeuiller leurs peuples, en Afrique comme ailleurs, doit rendre compte de ce qui aujourd’hui lui est reproché, mais
encore faut-il que ce soit devant une justice impartiale et des plus indépendantes !
Or, ce Habré-là ne peut être jugé sans, assis à ses côtés, Idriss Déby Itno, l’actuel timonier tchadien, qui, hier seulement, n’était autre que son chef d’état-major quand les crimes supposés ou
réels se commettaient ; donc un suspect sérieux dans la galaxie Habré et, aussi, un témoin gênant dans l’exécution de la fameuse « Opération Epervier », de nos jours choyé par
l’Hexagone depuis que l’or noir a commencé à couler à flots dans la savane tchadienne. Sauf tremblement de terre donc, ce n’est pas Idriss Déby Itno, couvert surtout par le parapluie de
l’immunité présidentielle, qu’on traînera à la barre.
Alors, l’extradition de Habré vers la potence à N’Djaména, une équation des plus complexes à résoudre pour Me Wade qui a, enfin, fait preuve d’une lucidité bien suspecte, pour en suspendre
l’exécution ; un projet des plus funestes qui, en rien, n’aura entamé la sérénité de son hôte, lequel ne rechigne pas à tendre la gorge, mais, à une seule condition : « Au même
titre que tous les Tchadiens à qui on reproche quelque chose », et devant une justice internationale indépendante.
Que ceux qui ont des oreilles entendent donc !
Bien plus, a-t-il prévenu ceux qui voudraient l’extrader, « quiconque violerait mon espace, ma maison pour m’agresser, alors je serais dans mon droit de légitime défense ».
A Wade comme à Déby : donc la tête de Habré n’appartiendrait qu’à celui qui n’a point peur de perdre la sienne ?
Par Bernard Zangré — L’Observateur Paalga