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21 Avril 2011
“Il faut apprendre la discipline aux insurgés”
En exil depuis un quart de siècle, Khalifa Hiftar est rentré au pays avec l’objectif affiché de prendre la tête des opérations militaires contre le régime de Kadhafi. Mais il n’est pas le seul à y prétendre
De Benghazi-
Khalifa Hiftar a passé les vingt-quatre dernières années aux Etats-Unis, avant de rentrer subitement en Libye le mois dernier, afin de rejoindre les insurgés qui
luttent pour renverser Muammar Kadhafi. Aujourd’hui devenu le nouveau commandant de cette force balbutiante, cet homme de 67 ans s’efforce d’améliorer la formation des combattants qui en ont
besoin, de trouver plus d’armes et, précise-t-il, d’obtenir davantage de soutien des Etats-Unis.
“Beaucoup de choses vont changer”, assure Khalifa Hiftar, installé derrière un imposant bureau de bois au centre de commandement militaire de Benghazi, à
environ 150 kilomètres d’une ligne de front mouvante où fidèles de Kadhafi et combattants de l’insurrection avancent et reculent sans cesse. “Je vais les former à exécuter les ordres et
à être disciplinés. La vraie bataille commencera quand nos forces seront regroupées.”
Un pari difficile. D’autant que Khalifa Hiftar possède un statut incertain parmi les insurgés. Certains estiment qu’il arrive un peu tard pour vouloir assurer un
rôle de premier plan, après avoir passé des années à l’étranger. Il a par ailleurs pour rival à la direction de l’armée rebelle Abdel Fattah Younès, qui fut ministre de l’Intérieur de Kadhafi et
commandant des forces spéciales libyennes avant de rejoindre les rangs de l’insurrection, en février.
Hiftar a lui aussi été un temps dans le camp de Kadhafi. Il participa au coup d’Etat de 1969 qui permit au dirigeant libyen d’accéder au pouvoir, et, dans les
années 1980, devint un héros lors de la guerre entre son pays et le Tchad voisin [1980-1987]. Mais il tourna le dos à Kadhafi en 1987 et partit s’installer en Virginie, d’où il a fait tout son
possible, dit-il, pour soutenir l’opposition libyenne, et où les Etats-Unis ont contribué à le “protéger” de Kadhafi.
“Je dirigeais autrefois la plus grande force de l’est de la Libye, je suis célèbre auprès de mon peuple et jusqu’aux Etats-Unis”, nous a déclaré Hiftar au
cours de sa première interview depuis son accession au poste de commandant, le 8 avril. “Cela faisait des années que j’avais envie de saisir une occasion de ce genre.”
Hiftar raconte avoir été contacté par la CIA et l’ambassadeur des Etats-Unis en Libye avant de quitter son domicile de Falls Church, en
Virginie, à la mi-mars. Des officiels de Washington auraient eu vent de son projet de retour et auraient souhaité savoir ce qu’ils pouvaient faire pour aider l’opposition libyenne. Khalifa Hiftar
dit avoir demandé aux Américains des missiles, des roquettes, des véhicules de transport de troupes et des véhicules de reconnaissance. Des informations que la CIA a refusé de
commenter.
Entrant en Libye par l’est, il a été accueilli en héros, mais il est aujourd’hui dépité de ne pas avoir de nouvelles des Américains au sujet de ses demandes, et
déçu par ce silence. “J’attendais plus de ce pays où j’ai vécu et qui m’a même personnellement aidé, regrette-t-il. Je joue un rôle décisif dans cette révolution.”
Hiftar et Kadhafi se sont côtoyés sur les bancs de l’école militaire, mais le premier raconte qu’après son accession au pouvoir Kadhafi a rapidement
“dévié” et s’est transformé en dirigeant égocentrique. Selon Hiftar, Kadhafi l’a lâché au lendemain de la guerre désastreuse contre le Tchad. Il trouva alors refuge aux Etats-Unis et
collabora avec d’autres déserteurs pour former un groupe d’opposition.
A son retour en Libye, Khalifa Hiftar a trouvé une armée rebelle composée de déserteurs de l’armée régulière et surtout de volontaires sans formation. Ces
combattants sont mal organisés, mal approvisionnés et incapables de tenir leurs positions. Malgré les difficultés, Hiftar semble confiant dans ses nouvelles fonctions. Il espère transformer ces
groupes disparates en une force capable de vaincre les kadhafistes.
Lors de l’entretien qu’il nous a accordé, Khalifa Hiftar n’a pas fait grand-chose pour minimiser sa rivalité avec Abdel Fattah Younès. Rappelant que, eux aussi, se
sont aussi fréquentés à l’école militaire, il précise que leurs chemins se sont séparés. “Il est resté aux côtés de Kadhafi pendant quarante-deux ans ; moi j’ai déserté il y a
vingt-quatre ans”, insiste-t-il, avant d’ajouter que Younès n’a aucune “influence” sur ses décisions ni sur ses hommes. “Il n’y avait aucun commandement quand nos opérations ont
été lancées, estime-t-il. Avec moi, il y a désormais quelqu’un pour prendre les choses en main.”
Source: Courrier International
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