Contrairement aux vœux présidentiels, aucun médecin tchadien n’est envoyé en formation pour venir prodiguer des soins de qualité aux malades.
Idriss Déby Itno a voulu offrir aux Tchadiens, dans le cadre de son mandat placé sous le signe du social, un hôpital « moderne » tenu par des médecins spécialistes. Il lance donc le
projet de l’hôpital de N’Djari. En même temps, il instruit ses collaborateurs pour envoyer en formation des jeunes cadres en formation pour résoudre le problème de manque de spécialistes. Le
Chef de l’Etat vise par la même occasion l’objectif de diminuer les évacuations sanitaires qui saignent à blanc le budget de l’Etat.
C’est dans ce cadre que la présidence de la République coopte, sans passer par le ministère de la Santé et sans aucune base réelle, huit
médecins et quatre paramédicaux pour être envoyés « en formation » en France. A leur grande surprise, les médecins tchadiens, qui pensaient se rendre en France pour une spécialisation
dans les C.H.U, sont placés dans quelques structures hospitalières françaises pour un stage d’observation.
Leur rôle consiste à voir comment les médecins et autres stagiaires travaillent. Ils n’ont ni le droit de toucher aux matériels, ni le droit
d’assister aux staffs (réunions pendant lesquelles les équipes médicales discutent des pathologies traitées dans leur service) encore moins le droit d’approcher les malades. Ils sont des
observateurs. En France, les assureurs ne couvrent pas les éventuelles bévues qui résulteraient de la manipulation des outils par ces stagiaires d’un genre nouveau.
Après avoir hanté les allées de l’hôpital Hôtel-Dieu de Paris, situé non loin du siège de la Société française d’équipement médical, entreprise
qui construit l’hôpital de Ndjari, Taday Moussa, Brahim Soukaya, Issa Fadjari, Affaf, Mahamat Saleh Tahir, Beninga Djilou, Innoncent et Adamou sont maintenant dans les hôpitaux niçois et
monégasques. A St Roch, Archer 2 et St Grâce, les médecins tchadiens sont la risée de leurs collègues qui sont des vrais stagiaires. Ils ne comprennent pas comment un pays africain peut
envoyer pour deux ans autant de médecins pour voir juste ce que font les autres sans pouvoir s’exercer.
Pour autant, le Tchad mobilise beaucoup de moyens pour cette « formation ». Chaque stagiaire reçoit une indemnité mensuelle de 1200
euros, est logée, et son salaire passe au pays. Mais à la fin de la villégiature des stagiaire tchadiens à la Côte d’Azur, ils ne seront ni diplômés, ni spécialisés. En réalité, il s’agit de
l’argent jeté par la fenêtre. Lorsque ces médecins ont demandé des explications à Mme Georgette Ortega, PDG de la Société française d’équipement hospitalier les raisons de cette humiliation,
elle leur a répondu que ce sont les autorités tchadiennes qui ont demandé à ce que ces médecins ne bénéficient pas d’une vraie formation mais qu’ils doivent juste faire ce stage d’observation
parce qu’une fois spécialisés, ils risqueraient de ne plus rentrer au Tchad.
Mais, après plusieurs rencontres (parfois électriques) avec le docteur Hassan Mahamat Hassan, actuel Secrétaire général du ministère de la
Santé publique, il n’a pas réussi à répondre clairement à nos interrogations. Selon le médecin personnel du président de la République, les médecins envoyés en France sont des cadres qui
doivent normalement lui adresser une lettre de protestation officielle au lieu de s’adresser à des journalistes ou écrire sur Internet. S’agissant d’Internet, le Secrétariat général de la
présidence de la République lui a demandé des explications suite à un article paru sur le blog de Makaïla Nguebla. Selon des sources
présidentielles, Hassan Mahamat Hassan aurait démenti les critiques sur la qualité du stage et de la « formation ». Pour autant, personne n’a encore pris l’initiative de convoquer ces
médecins pour savoir de quoi il s’agit. Le ministère de la Santé n’étant pas associé à cette aventure, personne ne veut répondre.
Même Hassan Mahamat Hassan n’a pas apporté des explications sur les critères de la sélection de ces « jeunes cadres » pour
paraphraser le Chef de l’Etat. On trouve dans cette cuvée, un médecin spécialiste en imagerie, sept généralistes parmi lesquels un jeune dont l’arrêté d’intégration est sorti pendant son séjour
français. Pour ce qui est de la qualité de la « formation », le médecin du Chef de l’Etat demande à ces jeunes confrères d’utiliser Internet pour trouver des documents sur la pratique
médicale et s’instruire par eux-mêmes. En somme, à l’écouter, il serait inutile de spécialiser des médecins dans les C.H.U puisque l’Internet peut combler ce déficit. Selon notre interlocuteur,
l’urgence est d’avoir des médecins qui seront là à l’ouverture de cet hôpital prévu dans un an. Peu importe qu’ils soient spécialistes ou non. Selon cette théorie, il revient à confier sa
Toyota V8 à un apprenti chauffeur parce qu’il nous a vu conduire depuis quelque temps. Idriss Déby, qui entend résoudre le problème de manque de médecins spécialisés, peut attendre
encore.
Abdelnasser Garboa