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12 Janvier 2012
Le Docteur Abakar Tollimi, chef rebelle tchadien
Tout comme Elamine Ali Mbaraka (Aboulhaïr),
Je ne me reconnais pas dans ce Président de la République
Par Abdelaziz RIZIKI MOHAMED
La presse internationale, Radio France Internationale (RFI) en particulier, rend parfois compte des activités paramilitaires d’Abakar Tollimi, chef d’un groupe de 8 mouvements
rebelles du Tchad. Je connais personnellement le Docteur Abakar Tollimi, pour avoir été en 1986-1990 son camarade de classe, son ami, à l’École nationale d’Administration publique (ÉNAP) de Rabat
(Maroc), même si je n’ai eu aucun contact avec lui depuis 1990. N’ayant jamais caché sa sympathie pour Hissène Habré, alors au pouvoir jusqu’au 1er décembre 1990, il ne comprenait pas toujours
pourquoi j’avais la dent dure contre les dirigeants comoriens, alors que lui, le futur grand commis de l’État, trouvait moult qualités à Hissène Habré (selon un ami tchadien, intellectuel basé à
Dakar, les deux hommes ont des relations de famille). Ironie du sort, c’est lui qui s’est le plus radicalisé, au point de prendre les armes contre Idriss Deby Itno (un autre parent, selon le même
ami tchadien). Pour ma part, je ne combats pas le gouvernement à partir de Massoungui, Banda-Houngwé, Mda-Mvoulé ou Mbabane, mais me limite à quelques commentaires de l’actualité politique de
temps en temps. Ce qui me vaut des injures, sur lesquelles je m’assois, mais aussi des procès sucrés et des menaces de procès. Bon courage.
Légaliste jusqu’au bout des ongles et non-violent, je ne crois pas commettre un crime en commentant une déprimante actualité politique. En février 2009, j’avais accordé une
interview à RFI, dénonçant les mauvaises manières du satrape en place, qui s’apprêtait à empêcher l’élection d’un Président mohélien. En 2010, pendant que le défroqué et dévergondé Saïd Abdallah
Rifki s’était invité à Mohéli pour tenter de convaincre la classe politique mohélienne de laisser au pouvoir Sambi-Gbagbo-Ben Ali Ibn Moubarak Al Kadhafi et se faisait traiter de Rifkatie, se
faisait huer comme un vulgaire voleur, et se faisait chasser de Mohéli sous les huées, nous avons fait ce que nous avons pu, et un Mohélien est devenu Président. À l’épouse du Président élu, à
qui je présentais les rituelles félicitations en janvier 2011, j’ai dit très peu de mots: «Félicitations. Une élection est un début et non une fin, un moyen et non une fin. Choisissez des
collaborateurs compétents et intègres car il faut penser à Dieu, à l’Histoire et aux Comoriens». Début mai 2011, une personne qui parlait au Président élu me passa une communication téléphonique
qui dura moins d’une minute (ces gens-là n’écoutent pas des petits gars comme moi) au cours de laquelle j’ai quand même eu le temps de dire: «Il te faut plus de volonté politique que d’argent car
le développement s’appuie plus sur la volonté politique et la probité que sur l’argent».
Or, à ce jour, que constatons-nous, si ce n’est un naufrage politique, un désastre institutionnel, une calamité sociale et une malédiction économique? Le pays n’est pas tenu.
Le pays n’est pas gouverné. Le Président ne tient pas le pays. Pour l’avoir côtoyé quotidiennement pendant les années d’école primaire, collège et lycée, et ce jusqu’au baccalauréat, je sais
qu’Ikililou Dhoinine est un homme honnête et pieux. C’est un bon scientifique, et cela explique son Doctorat en Pharmacie. Mais, il n’est pas préparé à la fonction de chef d’État, une charge
difficile qui, pourtant, demande très «peu» de choses: connaissance du milieu humain, leadership, qualités de gestionnaire, capacité d’écoute, humilité, sensibilité aux problèmes de la
population, capacité de décider et de rassurer.
Mais, le Président est trop orgueilleux et trop inflexible pour avoir ces qualités. Il n’est pas aidé par son manque d’ouverture. Il n’est pas aidé par un entourage qu’il sait
mauvais mais qu’il a choisi sciemment et adore. Il n’est pas aidé par une certaine naïveté, toute mohélienne, qui l’incite à prendre au sérieux la flatterie et à désigner l’opinion publique par
l’expression «des gens qui ont l’habitude d’écrire et qui écrivent». Il n’est pas aidé par sa brusque propulsion au sommet de l’État. Dès le départ, j’y ai vu le «début de la fin». Le Président
s’est enfermé dans une tour d’ivoire qui ne l’aidera pas à occuper une place remarquable dans l’Histoire. Il n’a pas compris que, s’il est facile d’entrer dans l’Histoire, le Caporal Adolf Hitler
l’a fait, il est difficile d’y rester de la plus belle des manières.
Un Président non formé à la gestion étatique peut réussir s’il sait être modeste car la modestie l’aidera à reconnaître ses lacunes et agir en conséquence. Rien de tout ceci.
Les Comores sont un vivier de talents et compétences, mais le Président a choisi de travailler avec ce que la société comorienne a de pire. À ce jour, je ne lui reconnais aucune décision sage et
intelligente. On lui fait signer tout et n’importe quoi. On lui fait lire des discours mal rédigés, indigestes et contenant des absurdités. Il s’est coupé des réalités du pays, croyant que son
entourage lui veut du bien. Il y a des décisions qu’il devait prendre et qu’il ne prendra jamais. Il y a des décisions qu’il ne devait jamais prendre et qu’il a pourtant prises. «Le coq qui n’a
pas chanté à l’aube a été dévoré par le chat», nous apprend notre bon proverbe local.
J’attendais de lui qu’il combatte la corruption. Au lieu de cela, il amuse le tapis. J’attendais de lui qu’il négocie avec la France l’adoption d’une Convention de la Famille
et de la Justice et pour la mise en place d’une liaison aérienne sécurisée et fiable entre la France et les Comores. Il n’y pense pas. J’attendais de lui qu’il initie une administration
territoriale en vue d’une meilleure gestion des affaires locales et d’une création d’emplois réels au niveau local, dans le pays réel. Mais, ceci n’est pas inscrit dans son agenda. Je croyais
qu’il allait nous rendre notre fierté de Comoriens en interdisant la vente de notre nationalité comorienne à des étrangers, en interdisant le vagabondage international des données biométriques
des Comoriens (y compris les siennes), suite à un honteux marché d’impression de nos passeports par des Syriens et des Libanais, en Belgique, alors qu’il suffirait que les Comores achètent une
foutue imprimante qui ne coûte rien pour nous mettre tous à l’abri de risques incommensurables. Mais, il ne s’y sent pas concerné. J’avais eu la faiblesse de croire qu’il allait nous restituer
notre fierté de Comoriens en chassant de l’UNESCO les Syriens et Libanais à qui a été vendue la représentation des Comores, et en mettant un terme à la débauche des consuls honoraires qui paient
pour être nommés à la fonction. Mais, cela n’est pas son problème. Il ne pense pas non plus aux navires non comoriens battant pavillon comorien.
Même à distance, j’étais engagé dans le mouvement qui revendiquait l’organisation de l’élection présidentielle en 2010 car la présidence tournante est inscrite dans la
Constitution comorienne. En plus, nous espérions une meilleure gouvernance aux Comores puisque l’homme Ikililou Dhoinine est réputé honnête, et les Mohéliens avaient la chance de prouver leur
compétence.
Or, cette présidence, honteuse, blesse ma sensibilité de Comorien et ma dignité de Mohélien. Cette présidence, qui devait être un motif de fierté mohélienne, est devenue un
facteur de gêne et de honte pour les Mohéliens, en tout cas la cause de beaucoup de malheurs, comme en témoignent la montée des meurtres non élucidés et le «refus des manguiers d’avoir ne
serait-ce que des fleurs», comme on dit désormais à la Grande-Comore. Cette présidence produit un goût de cendre dans la bouche. À l’instar de mon ami Elamine Ali Mbaraka (Aboulhaïr), le militant
de toujours, le dynamique et sympathique Maire de Fomboni, je dis: «Je ne me reconnais pas dans cette présidence, qui n’est pas la mienne. Je n’ai pas milité pour en arriver là».
Des milliers de Mohéliens et de Mohéliennes se sentent insultés du fait de cette présidence minable et lamentable. Alors que le pays est en plein naufrage, misère et
médiocrité, les Mohéliens se sentent montrés du doigt, plus méprisés qu’avant. Ce que mes frères et sœurs des autres îles me disent à ce propos me soulève le cœur. J’aurais trouvé de
circonstances atténuantes au Président s’il s’était entouré des cadres compétents de notre pays. Mais, au lieu de cela, il continue, tête baissée vers l’échec, sans aucune possibilité de
redressement. Ce régime politique, qui n’est pas le mien, finira comme il a commencé: dans la cécité et la médiocrité. Dans cette longue nuit de 5 ans, la seule lumière vient de Dieu.