1 Avril 2012
Le président MACKY SALL : continuateur de WADE ou révolutionnaire ?
Après celle de2000, le Sénégal jubile d’avoir réussi une nouvelle alternance actualisant dans la foulée de nombreux questionnements sur son devenir. Les candidats en compétition au deuxième tour de la présidentielle ont, en effet, vécu un long compagnonnage dans le PDS et dans le régime libéral. Leur séparation récente sur la base de relents subjectifs et pathétiques n’a pas révélé immédiatement les principes et les orientations politiques sous-jacents. Peut-être, le magistère de Macky Sall serait une révolution, un clash avec la séquence de soumission aux oligarchies et aux intérêts étrangers. Va-t-il sonner la fin du cycle de continuation de l’esclavage et de la colonisation ? Dans tous les cas, il s’impose la nécessité de fonder une vision sur le nouveau régime en décryptant d’ores et déjà les actes posés antérieurement et ceux envisagés.
Il convient, tout de suite, de fustiger et de tempérer l’ardeur de ces laudateurs et nouveaux amis du président qui s’acharnent à recréer son image. En effet, subitement dotés d’un pouvoir magique, ils sont en train d’en faire un immaculé qui n’aurait aucune responsabilité dans le déroulement et les déboires du régime du président Wade. Cette façon de faire pourrait, en s’installant de manière durable, annihiler les réflexes d’humilité du nouveau président et le confiner dans un culte de la personnalité nuisible au devenir du Sénégal. Pas de « griotisme » citoyens, gardons une présence utile et digne !
Ainsi, établir la responsabilité de Macky Sall est un préalable pour investir celle des autres et de toute la nation. Le président Sall aurait-il exécuté les idées de Wade comme un robot sans état d’âme ? Les aurait-il mises en œuvre sans y croire ? Sa primature avait-elle porté la théorie de la croissance accélérée par mimétisme ? Enfin, serait-il encore en phase avec les orientations néolibérales qu’il a partagées auparavant ? Pas de tabou, le peuple a le droit à l’information.
Ces précisions énoncées, il est autorisé d’explorer les projections annonciatrices de ruptures. En effet, si la connaissance du passé et l’autocritique sont des outils essentiels dans l’édification, le plus important réside dans les déductions, les projections et les perspectives. C’est pourquoi l’adhésion à la charte de gouvernance démocratique et le volontarisme du président Sall à veiller sur la mise en œuvre de la méthodologie et des conclusions des Assise nationales pourraient fonder l’espoir d’un renouveau. Evidemment , il pouvait se limiter à visiter, selon ses convenances, les travaux des Assises qui sont un patrimoine du peuple sénégalais. C’est pourquoi , en sollicitant les instances de celles-ci, il s’engage de manière solennelle. Et, au demeurant, en rupture avec les options pratiquées de 1960 à nos jours, les Assises ont initié une méthodologie et une nouvelle « praxis » issues d’un consensus très large voire populaire.
Cette démarche fécondée par les principes de la démocratie participative permet au peuple souverain de s’engager dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques. Or, sous ce rapport, l’expérience des pouvoirs locaux conquis en 2OO9 par Benno Siggil Sénégal (BSS) n’est pas très éloquente. En vérité, à l’exception de rares cas, la gouvernance est restée dans les anciennes pratiques.
Dès lors, la confiance béate sera l’ennemi du peuple. Faut-il oublier le leitmotiv : « laissez gorui travailler » ? Ainsi, la vigilance du peuple et son engagement constituent des leviers qui, ici et maintenant , et en permanence, rappelleront au président ses engagements et transformeront son ambition de servir en réalités.
Celui-ci sera, à coup sûr, ballotté entre des convoitises, des intérêts et des forces contradictoires. Bien sûr, de nombreux citoyens sénégalais rêvent, s’activent et sont disposés à consentir d’immenses sacrifices pour porter le peuple et le pays aux cimes du mieux-être. Cependant , il est des forces internes et exogènes qui, séparément ou en alliance, tenteront de neutraliser et de soumettre le nouveau président.
D‘ailleurs, la plupart des gouvernements contemporains agissent aux antipodes des promesses et des programmes pour les quels ils sont élus. En effet, les multinationales et les oligarchies financières façonnent leurs comportements et les promesses relèvent alors de la pure démagogie. N’engagent-elles que ceux qui y croient ? De plus, la concurrence entre les divers groupes dans ces oligarchies est une véritable guerre dont les protagonistes cherchent à soumettre les gouvernements. Le président Sall saura-t-il affirmer les intérêts du peuple sénégalais contre ces puissances financières? Se contentera-t-il de dérouler les canons du libéralisme puisés à l’école de Wade ? Fera-t-il du Wade sans celui-ci ?
En tout cas, son avènement, tout en suscitant euphorie, espoir et fierté est plongé au cœur de risques et de possibles désillusions. Dès lors, parer à pareille éventualité consisterait à construire de toute urgence des structures de veille pour divulguer la mise en œuvre des mesures positives et, le cas échéant, fustiger et combattre les déviations. Rien n’est irréversible.
Assurément, en congédiant le président Wade le peuple sénégalais ouvre encore une nouvelle page de son histoire prête à enregistrer d’autres aventures belles ou odieuses. Et le remplaçant, après avoir partagé un pan important de son magistère, s’engage à porter les conclusions des Assises nationales que l’équipe sortante a naguère combattues. Ainsi, le président Sall offre aux citoyens un levier essentiel pour faire l’histoire et écrire des pages révolutionnaires. C’est cette perspective qui nécessite la mise en place de structures de veille et de contre-pouvoir. En effet, manquer de vigilance et dormir sur ses lauriers ne seraient-ils pas une désertion des principes de la démocratie participative ?
Alioune DIOP
Président du CIMAC
(Comité d’Initiative pour une
Mobilisation Alternative et Citoyenne)
76 680 08 23