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9 Octobre 2011
Les récents événements du « printemps arabe » ont fait rêver plus d’un citoyen et politicien tchadiens de voir de tels phénomènes sociopolitiques de changement de pouvoir et de régime se produire au Tchad. Beaucoup de voix se sont élevées, et y continuent de s’exprimer, dans la presse écrite et en ligne tchadienne pour prédire un changement de régime imminent et semblable à ceux d’Égypte, de la Tunisie et de la Libye au Tchad. Soit ! Mais quand on lit entre les lignes de tous ces discours à la tchadienne, le fond, les motifs et les agents de ce changement tant rêvé et souhaité ne sont qu’allogènes. Car connaissant les Tchadiens, ils sont politiquement amorphes et manquent d’idéologie nationaliste. Ils pensent dans leur majorité que ce changement politique n’apparaitra qu’avec le concours du piment de toutes les sauces politiques tchadiennes: la France!
Les politiciens et activistes tchadiens feignent d’ignorer ce qu’on appelle vulgairement le jeu politique, basé sur des alliances, soutiens et partages etc. Deby a toujours été le protégé de Ghadafi et de la France. Et cela ne doit pas étonner outre-Atlantique s’il a apporté un soutien politico-militaire sans faille au guide libyen pendant les derniers jours de son règne. En plus, cela ne doit pas non plus constituer une lèse-majesté pour inviter la France (ou ses nouveaux alliés de fortune qu’on nomme vulgairement communauté internationale -USA et Grande Bretagne) à concocter la tension politique magique nécessaire pour faire partir Idriss Deby et sa clique du pouvoir. Comme quoi, il faut toujours, et une fois de plus, que d’autres forces étrangères arrivent à sauter un dirigeant du pouvoir pour le bonheur amer des Tchadiens - et non aux Tchadiens eux-mêmes de trouver les moyens et formules politiques nécessaires pour y arriver. Si tel en est le cas, pourquoi décrier et doigter l’ingérence française dans l’échec des rebellions et mouvements sociaux ou dans l’installation et le maintient de Deby contre tout soulèvement populaire au Tchad ? Ou se trouvent alors le patriotisme et le nationalisme des Tchadiens ainsi que la souveraineté du Tchad tant brandie?
Par ailleurs, ce qui a permis au printemps arabe de sévir partout c’est l’usage rationnel des nouvelles technologies de l’information et de communication par les manifestants des pays concernés à travers leurs réseaux sociaux et communicationnels de toutes sortes. Alors, comme comparaison n’est pas raison, il faut que certains Tchadiens se rendent à l’évidence que les mêmes conditions et circonstances de ces « révolutions » ne sont pas vraiment visibles au pays de Toumai. Il y a une carence de communication et de production d’information entre tchadiens. Tout cela coiffé par un manque criard de cohésion sociale et d’harmonisation de points de vue, de patriotisme et devoir national, d’une armée disciplinée et de leaders politiques éclairés ou engagés etc. En outre, il y a eu dans ces pays arabes de noyaux d’équipes qui communiquaient et informaient les manifestants des moyens d’actions. Enfin, le bonus des manifestants de ces pays « libérés des dictateurs » c’est que l’armée est soit intègre soit il y a eu des éléments au sein de l’armée qui se sont ralliés tôt à la cause du peuple. Quelle est la place de l’armée tchadienne (surtout l’agrégat de militaires) dans des telles aventures ?
Ainsi, il y a un problème de cohésion militaire et sociopolitique au Tchad, même si on ne peut nier la capacité militante ou guerrière du peuple tchadien. Il est aussi à remarquer que la haine (vraiment gratuite) que les Tchadiens dans leur ensemble vouent à leur président et à son clan, et les uns envers les autres, les empêchent de mieux réfléchir, s’organiser et communiquer afin de voir l’avènement d’un changement politique rapide dans le pays pour abréger les souffrances.
En fait, Deby s’accroche malgré ses manquements politiques indéfendables et tous les péchés dont on lui attribue. Cependant, tout changement sociopolitique n’est que le résultat d’un concours de circonstances, phénomènes et événements de choc, longtemps nourris et entretenus par des agents déterminés visibles et invisibles à tous les niveaux. De telles circonstances ont disparu du paysage politique tchadien depuis le mirage du slogan de compagne « Continuons Ensemble » et du développement à coups de pétrodollars. Alors, si le changement politique ou de régime tant attendu par les Tchadien(ne)s n’apparait pas jusqu'à là, cela témoigne que les agents et conditions de ce changement politique au Tchad ne s’affichent pas encore. En un mot, il manque de maturité politique et d’organisation des forces vives, politiques et patriotiques au Tchad, et dans la diaspora, pour chauffer à blanc Deby et compagnie.
De surcroit, il reste un boulot d’information, de communication et d’éducation politique de taille à faire avant d’espérer ce changement salutaire dans le pays. Tout compte fait, c’est le changement qui attend les Tchadiens et non le contraire. Car les Tchadiens dans leur ensemble ne savent pas, jusqu'à là, comment déclencher « leur révolution » ou comment administrer la dose de tensions politico-sociales nécessaires pour exiger ce changement politique et de régime tant attendu aux pays des Sao et de la dame Toumai. Que les uns et les autres n’oublient surtout pas que ces ancêtres les voient dans leur manque de courage politique à défendre les couleurs du pays et ces noms mythiques d’exception tchadienne!
Laounodji M. Monza
laoumonzal@yahoo.fr
Washington DC