29 Janvier 2013
C’était en 1997, aux premières campagnes législatives de l’ère démocratique, que j’ai fait la connaissance de cette dame. Aux environs de 18h un jour, les enfants du voisinage étaient entrés bruyamment dans ma chambre en me disant : Makotaïngué, les « doums » en véhicule t’attendent dehors, ils veulent te voir !
Des gens en véhicule ? Mais quel honneur pour moi vulgaire chômeur à Harlem de recevoir des gens en véhicule. Mais, comment ont-ils su que j’existe ? Qui leur aurait dit que je vis ici. Dieu seul le sait. J’ai pris courage à deux bras, je suis sorti à leur rencontre. Ils sont honorables : Certains en captani, d’autres en veste. Mais ou vais-je accueillir ces notables ?
Pas de problème, ils veulent me voir juste début et là dehors. L’un d’eux se présente et me donne l’objet de leur visite : Organiser la Campagne de Nouracham Niam Béchir dans le quartier Ardeb-djoumal. Sans hésitation, la proposition me séduit, j’ai dis OUIIII…. Rendez-vous fut pris de se voir le lendemain. Ce qui était tenu, j’ai vu la candidate : une jeune courte femme, pas plus de 1,40m, grande palabreuse devant l’Eternel !
Au départ la femme voulait se présenter sur la liste MPS. Elle a essuyé un refus poli. Elle jette son dévolu sur le MPDT. Le MPS est devenu pour elle le mal absolu et son candidant Soungui Ahmet en est l’incarnation humaine. Elle ouvre porte- monnaies et arrose les bureaux de campagne ou plus précisément les bureaux de propagande : lieu ou les indigents du quartier viennent s’y réunir avec espoir de trouver thé et riz pour pitance.
Dans les réunions publiques son entourage prenait le soin de traduire son arabe dans l’arabe tchadien. Elle ne pigeait aucun mot de notre arabe ni du français : elle ne s’exprime que dans l’arabe littéraire (disons les choses comme il se doit : le soudanais) hyper mélangé à l’anglais. Battre le MPS est son seul leitmotiv. D’ailleurs personne d’entre nous ne sait exactement ce qu’elle voulait. Elle promet tout au 3ème arrondissement : routes, écoles, travail aux chômeurs…
Bien que nous ne connaissions pas ce qu’elle dit, le public est littéralement conquis. Elle a du charisme comme on le dit des gens qui savent parler au public.
Elle a flairé avant tout le monde que dans le job de député y’a beaucoup d’argent : Principale raison de sa candidature.
Elle était arrivée 4ème sur 12 candidats au 1er tour, performance inespérée pour elle et nous ses soutiens. Au second tour, elle appelle à voter M. Mersilé du parti LINGUI et ouvre à nouveau le porte-monnaie à nouveau, avec toujours pour seul mot d’ordre : faire perdre le candidat du MPS : péché originel qui a corrompu l’humanité, le Tchad avec. Le résultat était ce que nous avions connu à l’époque.
Quelques semaines après les résultats définitifs je passais à la maison pour saluer mon ex candidate. On me disait qu’elle est rentrée aux USA. Depuis lors je n’ai plus de ses nouvelles jusqu’à ce jour de janvier 2013 ou j’entende qu’elle est trempée dans une affaire de corruption de haut vol.
Que risque t-elle ? Evidemment rien ! Les loups ne se mangent pas entre eux. Dans un système corrompu, qui va punir qui ? Et pour quelle raison. La corruption se nomme ici « faïda ou Hagal goro ». Tacitement légalisée, elle ne choque personne. Celui ou celle qui ne la pratique pas un cadre nul (mantanfa sheï !). On dirait de qu’on l’a nommé directeur, en dix ans il n’a rien fait. Voyez son successeur, en un an il a construit 2 villas. N’est ce pas un ex ministre des finances disait à une commission de lutte contre le détournement que « TOUT LE MONDE A INTERET A CE QUE LUI NE PARLE PAS ». La commission lui a trouvé juste une immunité et voilà le secret gardé, l’honneur est sauf pour tout le monde. Ici au pays, les gens diront « hi hakalata gourouch ana nassara , lamana chounou ?» Si pour faire bonne mesure (prouver à l’opinion nationale et internationale qu’on lutte contre la corruption) la justice la poursuit, le juge, qui sait très bien comment il est entré à l’ENAM ou qui l’a fait envoyer au Togo, ferait tout pour vicier la procédure. Et voilà les avocats très sourcilleux sur la procédure feront le reste pour que l’affaire n’aille jamais au jugement sur le fonds. Le régime est expert en diversification de stratégies d’impunité de ses membres. Les gratins du MPS des States et de jo’bourg vont se serrer les coudes en écrivant au président de la république avec les arguments du genre que « cet ambassadeur et sa femme sont des fervents soutiens du MPS, ils ont financement sur leurs « fonds propres » (gourouchoum halalim) les différentes élections présidentielles les dans les juridictions dont ils avaient la charge etc… Les parents vont se constituer en comité des sages de la région pour la cause. Et les voilà impunis et promus pour leur permettre de faire valoir les diverses expériences en corruption et détournement acquises ça et là dans les arcanes de l’administration ou soit directement conseillers à la présidence. Ainsi va le Tchad de contre valeurs, le numéro un de corruption de l’indice de Transparency International est un titre de gloire pour le régime dont il faut tout faire pour le mériter chaque année ou, au pire des cas, être dans le tiercé de tête.
ERNEST MAKOTAÏNGUE
N’djamena Tchad.