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21 Mars 2012
Emmanuel Nadingar doit rendre son tablier !
Par LAOUKOLE Jean,
N'Djaména - Tchad.
Nadingar II, tel semble être le nom de baptême du gouvernement issu de la reconduction de M. Emmanuel Nadingar au poste de Premier ministre du Tchad. Mais, si tôt installée, cette équipe forte d’une quarantaine de personnalités de tout bord, a montré ses limites. Aujourd’hui, on recense six ministres virés pour malversation, détournement, abus des deniers publics et autres faits. Sur le blog de Makaïla, un membre de l’équipe de Nadingar II serait impliqué dans une affaire de détournement de 250 000 000 F CFA à travers sa femme rwandaise. Deux autres seraient accusés, sur le même blog, de détournement et de soutien à Boko Haram, cette secte qui donne de l’insomnie aux chrétiens vivant au nord du Nigeria et au gouvernement de ce pays. Des rumeurs bruissent qu’autour du Nigeria, voire au-delà, les gouvernants dormiraient très mal aussi à cause de cette secte.
Selon les rumeurs, l’affaire des 250 000 000 de nos francs aurait irrité les dirigeants de Ethiopian Airlines, compagnie dont un des avions aurait transporté les colis exceptionnels de N’Djaména jusqu’à l’aéroport d’Addis Abeba où les sacs bourrés de billets de banque (uniquement les coupures de 10.000 F CFA) auraient été saisis. Pour cette compagnie, notre aéroport n’offrirait pas de garantie de sécurité à cause de la corruption. Elle aurait demandé des comptes au gouvernement tchadien.
Quelques membres de ce gouvernement se sont négativement illustrés dans des cabales contre l’opposition. Trois de ces cabales retiennent particulièrement mon attention. Il s’agit de la sortie ratée mais très médiatisée du Secrétaire Général du Gouvernement contre Saleh Kebzabo, de l’affaire Saleh Kebzabo suite à la plainte pour diffamation de la veuve Massamba[1] contre le député du Lac Léré. Cette plainte a été suivie d’une demande de levée de l’immunité parlementaire de cet élu du peuple. Et la troisième cabale est l’arrestation du député Gali Gatta NGothé.
Ces faits marqueront pendant longtemps les esprits. Dans l’affaire Saleh Kebzabo, le nom de Jean Bernard Padaré, ministre des affaires foncières et du domaine, est cité comme le fauteur de trouble. Le torchon brûle entre les deux ressortissants du Lac Léré. Pour la plupart des observateurs, c’est le pouvoir qui en tire tout le bénéficie, partisan de diviser pour régner. Les Moundang et les Guidar de N’Djaména, communauté dont Saleh Kebzabo et Jean Bernard Padaré sont issus, a réagi en prévoyant d’appliquer contre le dernier nommé « les sanctions prévues par leurs us et coutumes ». Mais, l’intéressé a provoqué l’ire de cette communauté lors d’un séjour à Léré : pour rallier les chefs de quartier, chefs de clan et notable à sa cause, il a fait usage d’un symbole traditionnel : le signal Moundang d’appel à la guerre. N’est-ce pas là une transgression qui interpelle le gouvernement sur les limites à établir entre l’administration et les traditions ? Suite à ce manquement, le chef de la communauté Moundang et Guidar de N’Djaména, a diffusé un communiqué dans lequel on peut lire ceci, en gras : « En conséquence, Jean Bernard Padaré est banni de la communauté Moundang. »[2]
Dans cette même affaire, M. Daniel Dézoumbé Passalet, président de droits de l’Homme Sans Frontières, une ADH, a été gardé à vue la PJ sur ordre du parquet d’instance[3], transféré à la maison d’arrêt de Moussoro avant d’être libéré au bénéficie du doute. Fidèle à sa logique, sur RFI, le SGG a exprimé son regret face à la tournure des évènements. Mme Lahr-Idi, la veuve plaignante, a été reçue au Palais Rose, par le chef de l’État[4], au point où l’Observateur pense que cette visite « intrigue » avant de s’interroger son « mobile et ce qui se cache derrière cette affaire. »[5]
Pour l’arrestation du député Gali Gatta NGothé, les gens parlent de machination politique et règlement de compte. A propos, un journal de la place écrit : « Il est bien vrai qu’en politique, on a coutume d’entendre que tous les coups sont permis. Mais, la manière dont on cherche à abattre le député Gali Gatta Ngothé, leader de l’UFD/PR (Union des Forces Démocratiques/Parti Républicain) crève les yeux, manque de tact et est à la limite grossière, sans élégance et n’honore pas du tout ses initiateurs. »[6]
Le ministère de la justice a tenté vainement de nous dire que son institution n’est pas aux ordres. Mais, la justice tchadienne n’a pas eu la même promptitude dans beaucoup de dossiers, notamment celui qui concerne la disparition d’Ibni Oumar Mahamat Saleh. Selon le blog de Makaïla, ce ministre aurait aussi écrit aux députés français actifs dans le dossier de la disparition d’Ibni Oumar Mahamat Saleh. Les concernés auraient réagi en adressant leur correspondance au ministre des Affaires étrangères français, Alain Juppé en évoquant, selon le blog ci-dessus cité, une « procédure inédite » consistant « pour un membre éminent d’un gouvernement étranger, à interpeller directement des parlementaires d’un autre Etat au sujet de la manière dont ils exercent leur mandat et à les inviter à mettre un terme à leur action ». Les deux auraient rappelé que « le sort d’Ibni Oumar Mahamat Saleh a fait l’objet d’une résolution de l’Assemblée Nationale, adoptée à l’unanimité en mars 2010 ; que N’Djamena a promis de mettre en œuvre les recommandations formulées par une Commission d’enquête internationale ; et que Nicolas Sarkozy s’est engagé par courrier, à plusieurs reprises, à œuvrer contre la primauté de la loi du silence et de l’oubli. »
Les rumeurs laissent entendre que l’un des acteurs de ces cabales se griserait de whisky toutes les nuits pour avoir le sommeil. Mais, je crains qu’au moment du bilan, tellement qu’ils se soient occupés d’autres choses que du travail de leur ministère, certains ministres nous déçoivent sincèrement. On aura encore manqué des occasions de bâtir autrement notre nation.
Dans une lettre ouverte adressée au Président de la République, le citoyen Baradine Berdeï Targuio accuse le Ministre de l’administration du territoire, qui a pris à témoin son collègue de la Sécurité publique, pour l’une des trois choses suivantes, au nom du chef de l’État : « l’annulation du décret portant nomination de Maina Berdei Targuio comme chef de canton, l’organisation des élections (certainement pour désigner un autre chef) et la division du canton. » M. Baradine Berdeï Targuio pense que « cet amusement est le propre de ceux qui ont toujours fondé la gestion des institutions de la République sur l’abus de votre confiance pour créer des tensions sociales, conflits intercommunautaires, divisions familiales, en s’appuyant sur des affirmations du genre : sur instruction du chef de l’État, le Président de la République nous a instruit, m’a chargé de, etc. »[7]
Dans son journal parlé du jeudi 15 mars 2012, FM Liberté, une radio émettant à N’Djaména et ses alentours en modulation de fréquence, nous apprend que les factures des fournitures et matériels utilisés lors des festivités de la journée de libération à Moundou ne sont pas payées. Un groupe d’opérateurs économiques séjourne à N’Djaména pour la circonstance mais, personne ne les rassure quant à la satisfaction de leur revendication. Au rythme où les choses évoluent, je crains que les fournisseurs ainsi déçus en appellent à la justice pour entrer dans leurs droits. Si l’on arrive à cela, ce que je ne souhaite pas, la facture sera plus salée pour le trésor public car les victimes réclameront des dommages et intérêts pour les préjudices subis.
Sur le plan social, l’équipe de Nadingar II a enregistré des grèves. D’abord celle des étudiants. Nos futurs cadres réclamaient plusieurs mois d’arriérés de bourses. Quelques étudiants ont été arrêtés, jugés et condamnés avec sursis. Pendant cette grève, on a évité le pire. Dans la précipitation, un décret présidentiel a dispersé les facultés d’Abderdjoubal entre Sarh et Ati. Le corps enseignant et les étudiants eux-mêmes ont réagi.
Puis, la grève des fonctionnaires. Avec cette action, les travailleurs revendiquaient une augmentation de salaire en vue de faire face à la vie chère. Des accords ont été signés entre le gouvernement et les syndicats. Mais, au moment où j’écris, j’entends des voix dire que les travailleurs ont été trompés : les 20% d’augmentation ne sont pas effectifs pour tout le monde ! A la santé, beaucoup d’agents n’auraient pas bénéficié des fameuses primes de risques.
En janvier dernier, ce fut autour du personnel de la Solde d’aller en grève « pour revendiquer de meilleures conditions de travail et de sécurité. »[8]
Entre-temps, le Président de la République a établi son état-major à Moussoro pour, dit-on, réformer l’armée. Le gouvernement a-t-il le rapport de cette réforme ? C’est aussi pendant ce temps que le PR chercherait son successeur, au mépris de la constitution. Les pronostics citent MM. Abbas Toli, son « neuve », Moussa Faki Mahamat, « l’enfant mystique », Mahamat Ali Abdallah Nassour, « le serviteur assermenté » et Adoum Younousmi, « le cheval toquard. »[9]
Je ne peux passer sous silence les élections communales. Il y a eu des fraudes, poussant un journal à écrire : « … nous avons malheureusement constaté que la plupart des fraudes, bourrages d’urnes et d’autres espiègleries visant à modifier le résultat ont été menés par des grosses pontes du parti au pouvoir, surpris par le désaveu de la population. A Sarh, Kélo, Doba, Léré et dans bien d’autres localités où nos reporters étant présents, la plupart des arrestations opérées par la police l’ont été dans les rangs des cercle proches des notabilités locales de la Renaissance […] Mais nous avons constaté malheureusement que la police n’a pas chômé ce jour… dans les cercles MPS. »[10] La Renaissance a perdu à Bébédja dont le Premier ministre est originaire.
Quand on suit certains ministres à la radio ou à la télé, surtout pendant les discours, on regrette : le niveau de leur lecture est celui d’un enfant du CP, dans ses balbutiements en matière de décryptage d’un texte. L’inélégance d’autres interpelle. Les gens citent le cas de celui qui s’est ainsi illustré, négativement bien sûr, au cours d’un atelier, devant un parterre composée d’imminentes personnalités venues de l’extérieur. L’une de ses personnalités se serait écrié : « C’est ça un ministre au Tchad ? Mais vous vous moquez des gens ! »
Bref, de tout ce qui précède, un seul sentiment devait animer le chef du gouvernement, celui d’un homme qui a échoué parce qu’il n’a pas su composer son équipe. Logiquement, il doit rendre le tablier. Au lieu de cet acte salutaire, il préfère amuser la galerie que son équipe bénéficie de la confiance du chef de l’État ! Est-ce dire que ce dernier soutient les ministres indélicats et ceux qui orchestrent des choses contre les opposants ? Il est vrai que chez nous, le Premier ministre est figuratif. Tous les pouvoirs sont entre les mains du chef de l’État. C’est finalement le Président de la République qui est interpellé sur la situation actuelle. Il doit confier la gestion des affaires de l’État à une autre équipe.
Dans l’attente, les Tchadiens commentent le énième convole en justes noces de leur chef de l’État. L’émue du cœur du Président de la République est une Soudanaise. On parle de plusieurs milliards de francs CFA versés à la belle-famille comme dote. Aujourd’hui, les images circulent sur le net qui chantant la beauté de cette dame, qui exposant les frasques de la cérémonie de ce mariage. Notre Temps, le journal des sans voix, en expose deux à sa une de numéro 480 du 25 au 30 janvier 2012, la première présentant la cérémonie du fatia (organisée à Khartoum en présence d’Oumar El Béchir et de Moussa Hilal le beau-père d’Idriss Déby itno qui s’est fait représenté) et la seconde nous montrant nouvelle épouse de notre cher Président de la République.
[1] Massamba est le chef de village Matta – Léré assassiné en septembre dernier par quelques membres de sa population. Ce drame a occupé la une des journaux durant le dernier trimestre de 2011
[2] Communauté Moundang et Guidar de N’Djaména, Communiqué de presse N°3 du 27 décembre 2011
[3] Le progrès N° 3294 du mardi 20 décmebre 2012
[4] L’Observateur N°640 du 4 janvier 2012
[5] Voir le numéro de l’observateur ci-dessus cité
[6] L’Observateur N° 649 du 7 mars 2012
[7] Le Temps N° 732 du 22 au 28 février 2012
[8] Le Progrès N° 3311 du jeudi 19 janvier 2012
[9] Abba Garde numéro 004 du 31 janvier 2012
[10] Le Temps N°731 du 15 au 21 février 2012