11 Juillet 2010
Le
Tchad, l'un des pays les plus pauvres du continent africain, voire de la planète, vient d'entrer dans le cercle très fermé des pays producteurs de pétrole. Cent millions de dollars, tel est le
profit annuel attendu pour le seul Tchad du gisement de Doba dont l'exploitation a été lancée à la mi-juillet. Mais biens naïfs sont ceux qui pensent que cette nouvelle manne pétrolière pourrait
permettre au pays de sortir du sous-développement et aux populations locales d'échapper à la misère.
Les compagnies pétrolières américaines Exxon Mobil et Chevron et malaisienne Petronas ne sont pas venues au Tchad pour faire de l'humanitaire. Quant au régime dictatorial d'Idriss Deby et de son
clan, il s'est déjà accaparé près de quatre millions de dollars d'avance sur recette pour acheter des armes et ce avec la bénédiction de la Banque mondiale. Et le fait que le gouvernement
tchadien ait récemment fait voter une loi pour affecter une partie des recettes pétrolières au profit de l'éducation, de la santé, de l'environnement, de l'eau et du développement rural, ne
change rien au devenir du pays et au sort déjà misérable des populations locales. Au contraire, l'exploitation des champs pétrolifères de Doba risque même de les aggraver. Ainsi des milliers de
paysans ont déjà été expulsés de leur terre sans aucune indemnité et sont venus grossir le rang des chômeurs dans la capitale. Des centaines de villages ont été vidés de leur population par les
compagnies et l'armée tchdienne. Champs et pâturages ont été souillés par les travaux et la pollution. Les retombées économiques en matières d'emploi se révèlent particulièrement dérisoires,
quelques centaines d'embauches seulement.
En matière d'exploitation du pétrole en Afrique Noire, Mongo Beti, écrivain camerounais, rappelait avec indignation une constante: « Où a-t-on vu que le pétrole ait jamais été, en Afrique
Noire, une source de progrès et de bien-être? Ce qui est arrivé à chaque fois, c'est très exactement le contraire: chez nous, qui dit pétrole dit malédiction des populations, dictature, violence,
guerres civiles... Au Gabon, ce ne sont que chaussées défoncées, mouroirs tenant lieu d'hôpitaux, écoles ressemblant à des chenils... Où va l'argent du pétrole Gabonais? ». Le Gabon était
présenté, il y a encore quelques années, comme le modèle de l'Afrique!
Ainsi au Tchad comme dans les autres pays producteurs de pétrole d'Afrique Noire, du Nigéria à l'Angola, du Congo-Brazzaville au Gabon, les revenus du pétrole profiteront d'abord et avant tout
aux actionnaires des compagnies pétrolières étrangères et à la clique corrompue qui dirige le pays.
Roger BERTRAND