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Makaila, plume combattante et indépendante

Makaila.fr est un site d’informations indépendant et d’actualités sur le Tchad, l’Afrique et le Monde. Il traite des sujets variés entre autres: la politique, les droits humains, les libertés, le social, l’économique,la culture etc.

Nafissatou Dia Diouf: "Porte du (non) retour (Mai 2011) "

 

S’il est un phénomène qui caractérise les années post indépendance, c’est l’exil volontaire. Là où nos aïeux étaient entassés de force dans des cales, les migrants d’aujourd’hui, du moins les plus désespérés d’entre eux, s’entassent de leur propre chef et à leurs risques et périls dans des coques de noix à la merci de l’océan et de ses caprices.

Pour la plupart des Sénégalais de la diaspora, heureusement, le parcours a été moins heurté : accueillis en sauveur de l’Europe à reconstruire ou des économies en pleine croissance, ils ont été ensuite les étudiants bien formés et motivés, acceptant des conditions de travail et de salaires avantageuses pour leurs employeurs, avant de vêtir les oripeaux du clandestin, de l’assisté voire du paria. L’immigré, dans la représentation de l’imaginaire hexagonal, celui que je connais le mieux, est ainsi passé de providentiel à pestilentiel et leur estime a connu la même courbe descendante.

Retour simple…
« Le bout de bois aura beau séjourner dans le marigot, il ne deviendra jamais crocodile », dit la sagesse populaire africaine. Dans des pays où ils ne sont plus désirés, ni même attendus, nombreux sont ceux qui pensent de plus en plus à l’aller simple vers la case départ ou à un retour simple selon l’expression non consacrée… Choix cornélien s’il en est tant la marche de Cher Pays semble peu rassurante. Passée la première surprise d’une capitale aux infrastructures routières modernes et aux jeunes filles qui « roulent les r et tâtent les t » mieux qu’à Paris, ils se rendent vite compte que le pays fonctionne à deux vitesses avec un embrayage cassé et un conducteur manchot.

La solution n’est pas simple et les trajectoires individuelles. Certains ressentent l’appel de la patrie comme un appel de sirènes. Ils n’attendront pas que tout aille bien pour rentrer et poser leurs baluchons sur la terre aride du continent et contribuer à la reverdir. Forts de leur expérience et de leur capital, parfois durement acquis au prix de sacrifices et d’humiliations, ils auront à cœur de prendre les rennes du pays au point de vue politique et économique et prendre en main leurs cadets, les former, les encadrer, leur faire prendre conscience que finalement, ils ont potentiellement tout chez eux pour peu qu’ils s’y mettent et que l’herbe du voisin (outre atlantique ou méditerranéen) est plus si verte.

Les plus frileux viendront pour tâter le terrain avant de vendre biens matériels et immatériels pour servir Cher Pays. Ceux-là réfléchissent à deux fois. Y a-t-il réellement une place pour eux ? Leur patriotisme sera-t-il récompensé ? Seront-ils utiles (financièrement s’entend) à leurs familles là-bas plus qu’ici ? Ils ne sauront de deux maux, lequel choisir. Comme l’âne de Buridan tiraillé entre la faim et la soif et qui finit par mourir des deux parce qu’il n’a pas su se décider…
Sans aller jusqu’à cette issue fatale, nos braves jambars se retrouvent tiraillés par ces questionnements pendant que les portes de l’Occident se ferment doucement mais inexorablement derrière eux, alors celles de la Mère Patrie s’ouvrent encore trop timidement à leur goût. Auraient-ils la destinée de la Diaspora, au sens hébraïque du terme, celle qui renvoie à la légende du juif errant, cette âme en peine vouée à l’exil éternel ?

Aspirateur de cerveaux
Les politiques migratoires occidentales récentes se sont révélées sont plus pernicieuses : elles se résument en un « oui mais ». Oui du bout des lèvres, la calculette dans le dos si et  seulement si vous remplissez la centaine de critères dont une formation pointue dans les domaines prioritaires (la fameuse « immigration choisie ») et une employabilité à toute épreuve (reconnaissez dans ce substantif barbare le verbe « ployer ») et en plus si vous gardez votre culture et votre religion au bled. Vous banquiers, informaticiens, ingénieurs, venez mettre vos compétences, au service de tiers, avec abnégation (mais pas patriotisme) et admirer jusqu’à la fin de votre carrière le plafond de verre car bout de bois vous êtes, bout de bois vous resterez. …

Business ethnique
Les marketeurs pourtant ne répugnent pas tous ces consommateurs, enfermés dans le même vocable politiquement correct et … homogénéisant de « Diversité ». Ces braves gens qui consomment et paient leur impôts, et pour la plupart vivent sans histoire aux côtés (rarement avec) des bien-pensants gaulois de souche, ou les plus gaulois que gaulois avec des patronymes à consonance hongroise…

Ceux dont la société occidentale ne veut plus sont cantonnés aux métiers DDD, entendez par là, non pas Dakar Dem Dikk qui aurait pu laisser entrevoir un espoir de retour mais « Dégueulasses, Difficiles et Dangereux ». En somme, mal payés avec des ­horaires impossibles mais bien utiles à l’économie car ces charges salariales faibles vont rendre le cout final du bien ou du produit acceptable…pour le consommateur de Corrèze, tout en restant hors de portée pour notre brave quidam de la « diversité ».

Quand on sait que le marché halal progresse de 10% annuellement en France et que si le marché des cosmétiques connaît un tel dynamisme, c’est grâce à mes sœurs de la diaspora, tous revenus confondus, on est tentés de dire, contrairement au bruit et aux odeurs que fustigeaient un certain président, l’argent, lui, n’a pas d’odeur…

Sans vouloir jouer à la mère-la-morale, rentrer, dès lors, devient une question de dignité.

 

Source: Réussir

               Porte du (non) retour (Mai 2011)

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