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30 Novembre 2008
Message de l'UFCD au Colloque de Paris (28 Novembre 2008)
Djedé Kourtou Gamar
MESSAGE DE l’UNION DES FORCES POUR LE CHANGEMENT ET LA DEMOCRATIE (UFCD) AU COLLOQUE DE PARIS (28 Novembre 2008)
Chers participants au colloque,
C’est pour nous un grand honneur de pouvoir partager avec vous nos réflexions sur le devenir de notre pays 50 années après sa proclamation comme république. Nous voudrions saluer cette noble
initiative qui permettra, nous sommes convaincus, à l’ensemble des intervenants d’aborder avec objectivité et lucidité la question des conflits armée aux Tchad, ainsi que les solutions
appropriées pour les résoudre.
Loin de nous l’idée de faire un plaidoyer pour justifier notre option de combattre militairement l’actuel régime au Tchad, notre exercice à travers ce message consiste essentiellement à relever
les points saillants qui justifient la nécessité d’opérer un changement dans la façon de penser et gérer notre pays.
Comme nous le savons tous, proclamé république le 28 novembre 1958, après plus d’un demi-siècle de colonisation française (1900-1960), le Tchad accède à la souveraineté internationale le 11 août
1960. Le lourd héritage colonial doublé de l’impréparation de l’élite politico-administrative à la gestion d’un Etat moderne hypothèqueront gravement l’indépendance nouvellement acquise.
Au nom d’une politique dite d’unité et d’intégration nationale, le régime de Tombalbaye développe très vite et à outrance, un autoritarisme politique et met fin très tôt au multipartisme en
instaurant dès janvier 1962 le parti unique. Les mécontentements consécutifs à ce coup de force démocratique entraîneront la première manifestation populaire de Fort-Lamy le 16 septembre 1963,
durement réprimée dans le sang par la force publique nouvellement créée.
Sur le plan administratif, l’amateurisme, l’arbitraire, l’incompétence et l’inexpérience des nouveaux responsables promus provoquent partout des jacqueries dont la plus emblématique est la
révolte paysanne de Mangalmé en 1965. A cours d’imagination, le pouvoir répond là également par la violence aveugle et s’engage par ce fait dans un cycle infernal et un cercle vicieux et
pernicieux de violence politique qui sera le moteur de la création en 1966 du premier mouvement de rébellion armée au Tchad : le Frolinat.
Le coup d’Etat militaire du 13 avril 1975 et la politique dite de réconciliation nationale du général Félix Malloum ont lamentablement échoué à ramener la paix et la sécurité au Tchad, pas plus
que la signature des accords de Khartoum en août 1978 entre le C S M et le CCFAN. Tout au contraire, cette pseudo-entente va précipiter la déliquescence du pays. En effet, dès février 1979, un
conflit de pouvoir né d’une interprétation contradictoire des dispositions de la charte fondamentale par les différents protagonistes, notamment le président de la République Félix Malloum et le
Premier Ministre Hissène Habré, sera le prélude à une guerre civile, longue et meurtrière.
Sorties victorieuses de cet affrontement, les différentes factions du Frolinat ( Fan, Fap, Mps ) se succèdent au pouvoir depuis 1979.
Malheureusement, à l’épreuve du pouvoir, les idéaux révolutionnaires du Frolinat ont cédé la place à des pratiques à l’aune de sa profession de foi. Une politique de répression aveugle, de
préférence ethnique, d’intolérance, de division et d’exclusion s’est abattue sur le pays depuis l’avènement de ce mouvement à la tête de l’Etat comme en témoignent les 40000 morts du régime Habré
et les nombreux massacres de citoyens perpétrés en toute impunité par celui d’Idris Deby depuis 1990. Plus rien n’a été épargné pour diviser et dresser les citoyens les uns contre les autres. Les
religions, les tribus, les régions… sont fortement instrumentalisées à l’appui du vieux principe du « diviser pour régner ».
En 1989, pour des raisons de contrôle et de partage des ressources publiques, la coalition au pouvoir (Fan) se divise et l’aile dissidente s’associe a d’autres mouvements et créé le MPS qui
viendra à bout de Hissène Habré en décembre 1990 avec le soutien actif et massif de parrains extérieurs.
Epousant opportunément l’air des temps, Idris Déby proclame dès le 4 décembre de la même année, la démocratie et le multipartisme intégral.
L’enthousiasme des Tchadiens est alors à son comble et chacun laisse libre cours à ses rêves de paix, de sécurité, de développement et surtout d’Etat de droit.
Malheureusement, l’espoir sera de courte durée. Dès octobre 1991, les démons de l’ethnisme et de la répression reprendront du service. Prétextant un coup d’Etat, Idris Deby se débarrasse au prix
d’un génocide de la composante Hadjarai du MPS. Il en sera également ainsi en 1992 de l’aile dite sudiste qui se résignera à créer le CSNPD d’abord et les FARF ensuite et donnera à Deby le
prétexte de la répression à grande échelle dans les deux Logone et le Moyen-Chari. Dans le Ouaddai, la milice de Déby sévira avec la même atrocité à Inguilim le 08 aout 1994.
L’organisation d’une Conférence Nationale Souveraine du 15 janvier au 7 avril 1993 a suscité un nouvel espoir de refondation consensuelle de l’Etat Tchadien. La Conférence Nationale était aux
yeux de tous, l’unique occasion de faire à jamais la paix, de réaliser une véritable réconciliation nationale et instaurer une réelle démocratie, gage de développement et d’Etat de droit.
Un consensus politique, laborieusement élaboré a débouché sur la mise en place d’institutions de transition. Malheureusement, le refus délibéré d’appliquer les résolutions de ces assises a
conduit au bilan catastrophique actuel.
En dépit des entorses et des embûches érigées par Deby pour faire échouer les institutions transitoires, un projet de constitution élaboré par celle-ci sera adopté par référendum le 31 mars
1996.
Sur le plan du dialogue de paix, nous relevons pour le déplorer entre autres accords sans lendemain ceux conclus avec le président Goukouni dès 1991, avec le MDD au Gabon en 1992, avec le CSNPD
de Ketté Moise en 1994, celui du FARF de Laokein Bardé, celui du FNT du Dr Harris, Celui du CNR d’Abbas Koty ainsi que celui du FUC de Mahamat Nour Abdelkerim ou encore plus récemment celui de
Syrte avec l’UFDD de Mahamat Nourri, l’UFDD-F d’Abdelwahid et le RFC de Timan Erdimi.
En juin 1996 et mars 1997 se tiendront successivement les premières élections présidentielles et législatives pluralistes du Tchad indépendant. Désabusés, les Tchadiens prendront à cette
occasion, la juste mesure du nouveau régime qui n’a donné la démocratie que pour mieux la reprendre. Ces élections comme celles qui vont suivre seront caractérisées par la corruption, la fraude
massive, l’intimidation et la violence, consacrant définitivement la nature dictatoriale du nouveau régime et le dévoiement de la démocratie.
Au lieu de s'inscrire résolument dans le processus de réconciliation nationale pourtant formellement recommandée par la CNS à travers un accord global avec les rebellions, le gouvernement a
privilégié les accords séparés et les leaders des différents mouvements qui se sont prêtés à ce jeu ont été systématiquement liquidés après chaque ralliement ou négociation, comme en témoignent
éloquemment les cas de Abbas Koty, Bichara Digui, Dr Harris, Laokein Bardé, Ketté Moise, Youssouf Togoimi…
Aujourd’hui, le pays est tout entier mis sous coupe réglée par une milice clanique à la solde du chef de l’Etat et qui sévit impunément sur de paisibles citoyens tenaillés par la misère.
Sur le plan économique, le pays est dans l’impasse totale et en quasi faillite déclarée en dépit des ressources nationales et du soutien financier de la communauté internationale.
L’administration fortement politisée ne repose ni sur la technicité ni sur les compétences pourtant indispensables au développement du pays, mais sur le clientélisme et le népotisme. Aujourd’hui,
notre administration est totalement désarticulée, partisane et gangrenée par la corruption. Des membres du clan au pouvoir, tels des potentats placés à la tête de toutes les administrations
publiques ponctionnent sans être inquiétés les caisses publiques à des fins d’enrichissements privés.
La course effrénée vers la rente pétrolière a relégué au second rang nos potentialités agricoles et pastorales. Il s’en suit un effritement total du tissu économique et social du pays avec le
bradage de nos rares entreprises reprises par ceux-là même qui les ont mises en faillite.
Sur le plan politique, la restauration autoritaire est totalement effective. Le retour à un parti unique de fait et la double traque de l’opposition et des organisations de la société civile ne
laissent désormais aux citoyens d’autre choix que celui des armes ou de l’exil.
Face à cette montée du péril, des voix s’élèvent de partout pour revendiquer un véritable forum national pour sauver la paix et restaurer la démocratie. Mais, Déby se refuse obstinément à tout
dialogue.
Non content de prendre ainsi le peuple tchadien en otage, il isole également le pays de la scène sous-régionale par des atteintes à l’intégrité et à la souveraineté des Etats voisins comme le
prouvent ses expéditions punitives contre Patassé en Centrafrique hier et son soutien à la rébellion du Darfour contre le régime de Khartoum aujourd’hui.
Pour clôturer ce dispositif de confiscation de pouvoir, le président Déby a entrepris de modifier la constitution du pays afin d’instaurer au Tchad une véritable monarchie constitutionnelle. En
effet, pour se ménager un pouvoir sans partage et de surcroît dynastique, il a décidé de modifier la disposition constitutionnelle limitant à deux le nombre des mandats présidentiels. Désormais,
il n’y a plus de limite et fort du soutien de ses parrains extérieurs et de sa milice clanique, Déby entend gouverner à vie et céder au besoin le pouvoir à sa famille.
Chers Participants au Colloque,
C’est dans ce contexte, et après avoir fait l’expérience de plusieurs mouvements politico-militaire, nous avions créé l’Union des Forces pour le Changement et la Démocratie (UFCD) afin d’œuvrer
par tous les moyens au changement de l’actuelle dictature de DEBY, de restaurer l’Etat et relancer dans les meilleurs délais le processus démocratique en panne.
IL s’agit pour nous de faire des propositions visant à centrer, dès la prise de pouvoir, nos efforts sur quelques actions majeures pour restaurer l’Etat dans ses attributs fondamentaux de
souveraineté et ce, pendant une période transitoire raisonnablement courte.
L’objectif est de créer très rapidement les conditions d’une compétition politique sereine, transparente, apaisée et démocratique. Les citoyens qui estiment avoir un projet de société pour leur
pays pourront sur la base des règles du jeu élaborées de façon consensuelle et régulière pendant la transition, se livrer au verdict de leurs concitoyens.
Dans cette lancée, l’UFCD est prête d’examiner avec les autres compatriotes les voies possibles et les moyens conséquents pouvant ouvrir les pistes évidentes d’une refondation du pays et ramener
une paix durable à notre peuple.
C’est pourquoi nous soutenons la présente initiative et espérons que les conclusions du colloque apporteront aux acteurs, partenaires et observateurs, d’une part plus de clarté dans la
compréhension du conflit Tchadien, et d’autre part suffisamment d’information dans la façon d’envisager sa solution.
Tout en remerciant les organisateurs de cette importante rencontre, nous formulons les vœux que vos assises puissent se dérouler dans les meilleures conditions et que les fruits de vos réflexions
parviennent aux compatriotes qui n’ont pu saisir l’opportunité d’être présents à vos cotés.
Je vous remercie,
Adouma Hassaballah Djad-al-rab