1 Janvier 2009
« L’ESPACE des libertés progresse. » C’était le jugement de Sarko en visite à Tunis, en avril dernier. Visiblement, notre président ami des droits de l’homme a fait preuve, avec son hôte Ben Ali, de la même foudroyante lucidité qu’avec le Libyen Kadhafi, le Chinois Hu Jin tao ou le Tchadien Déby.
A l’époque déjà, dans le Sud, la région de Gafsa et son bassin minier étaient secoués par des mouvements et de grèves dus au chômage, à la misère et à la corruption. Il y a dix jours, les jugements sont tombés, rognant un soupçon « l’espace des libertés » : de 2 à 10 ans de prison pour 33 grévistes « mineurs » accusé d’avoir préparé des attentats contre les personnes et les biens.
Un journaliste qui couvrait le conflit a pris 6 ans par contumace. Son photographe a été torturé. « Le président du tribunal ne s’est pas donné le mal de lire jugement », raconte Radhia Nasraoui, l’une des avocates. Ni de répondre aux demandes d’expertises médicales des détenus qui disaient avoir été torturés. « La police, poursuit-elle, a aussi agressé ou arrêté des membres de leurs familles, intimidé les avocats. Manière d’affirmer son impunité, de dire : nous continuerons. »
C’est dire si Khaled Ben Saïd, ancien vice-consul de Tunisie en France, a dû se sentir trahi par le pays du peu regardant Sarko. Arrêté et jugé à Strasbourg, il a pris 8 ans fermes pour « actes de tortures et de barbarie » sur l’épouse d’un opposant islamiste. Des actes qui remontent à 1996, mais rien n’a changé. « La torture est institutionnalisée, indique au ‘Monde’ (13/12) Omar Mestiri, militant des droits de l’homme. On torture dans les prisons, les commissariats, les locaux du ministère de l’intérieur. Mais les traces sont moins visibles, pour préserver l’image de la Tunisie. » Et pour ne pas faire fuir touristes et visiteurs. Surtout lorsqu’ils ont, comme Sarkozy, des avions et du nucléaire à vendre.
Source : Le Canard enchaîné du 24 décembre 2008.