Makaila.fr est un site d’informations indépendant et d’actualités sur le Tchad, l’Afrique et le Monde. Il traite des sujets variés entre autres: la politique, les droits humains, les libertés, le social, l’économique,la culture etc.
27 Juin 2009
A Ndjaména sous les
étoiles.
Les férus de littérature ne vont pas tarder à se rendre compte que ce titre n'est pas tout à fait de moi. Il m'a été inspiré par Joseph Brahim
Seid, l'un des pionniers des lettres tchadiennes d'expression française. Il a publié en 1962, chez Présence africaine, un recueil de contes intitulé Au Tchad sous les étoiles. Les contes sont
l'une des choses les plus partagées par toutes les cultures du monde. En Afrique, comme ailleurs, avant d'être écrits, ils ont appartenu à la littérature orale, vieille comme l'humanité. Ils sont
l'une des composantes fondamentales de la mémoire collective. Sur le continent, ce sont les Anciens qui se chargent de raconter aux jeunes, au clair de lune, toutes ces histoires merveilleuses où
les animaux se conduisent comme les hommes. Partagées entre la crainte de voir les méchants surgir à n'importe quel moment et le plaisir de connaître le fin mot de l'histoire, les enfants étaient
tout ouïe, tout oreilles. A l'époque de ma propre enfance, si l'électricité existait déjà, nous aimions plutôt voir les lucioles percer les ténèbres. Et nous nous éclairions à la lampe tempête.
Nous étions heureux et nous ne connaissions pas ce mot barbare à la mode aujourd'hui : délestage.
J'étais à N'Djamena à la fin du mois d'avril. J'en suis reparti alors que mai s'achevait. C'était mon premier voyage dans ce pays qui, si j'en crois les spécialistes, est dangereux. D'autant que
mon séjour a conïcidé avec une attaque de groupes armés qui veulent renverser l'actuel chef de l'Etat, Idriss Déby Itno. Chaque fois que je voulais faire cent pas, il se trouvait toujours
quelqu'un pour me mettre en garde : "Monsieur, ne sortez surtout pas ! Vous allez vous faire agresser". Je suis sorti malgré tout parce que je ne croyais pas à l'aberration selon
laquelle tous les Tchadiens portent un couteau prêt à servir. Ou qu'ils vont vite se rendre compte que je suis un étranger. Comme si les gens n'avaient rien d'autre à faire que de chercher à
savoir qui est tchadien et qui ne l'est pas.
N'Djamena est une fournaise : 50 degrés à l'ombre dès le lever du jour ! Toute la journée, les
arbres sont au garde-vous attendant en vain qu'un vent généreux vienne les caresser. Quand la nuit tombe, c'est à peine si le mercure chute. J'ai connu Bamako, Ouagadougou et Niamey, villes
réputées caniculaires. Je pense que N'Djamena les dépasse de loin. Mais je n'arrive toujours pas à comprendre comment les N'Djamenois se sentent comme des poissons dans l'eau sous ce soleil
déchaîné. Ils m'ont dit plus d'une fois qu'ils ont l'habitude. Ils ont peut-être raison, car j'ai vu des bébés la tête nue dans les bras de leurs mères. Comme si de rien
n'était !
Le problème principal à N'Djamena, comme d'ailleurs dans beaucoup
d'autres capitales africaines, c'est l'offre insuffisante en électricité. Des quartiers entiers attendent des jours, des semaines voire des mois avant de jouir des bienfaits du courant
électrique. Pendant que le commun des Tchadiens attend, les habitants des quartiers dits stratégiques, en plus des groupes électrogènes qu'ils possèdent, sont très bien servis. Quand la nuit
tombe, une fois résolues toutes les questions domestiques, les déshérités se retrouvent confrontés à un problème crucial : dormir. Mais où ? Surtout pas dans les demeures chauffées à
blanc ! Unique solution : dormir à la belle étoile. Et c'est ce que font tous les soirs les habitants des quartiers populaires. Ils n'ont plus peur de rien, ni des voleurs, ni des
moustiques. Je n'ai pas vécu personnellement cette situation. Mais je suis rentré plus gros que d'habitude. Les coupables ? Les crêpes et les beignets qui accompagnaient le pain au petit
déjeuner à l'hôtel où j'étais descendu. C'est bizarre, non, des crêpes et des beignets dès 6 h du matin ?
Journaliste à Jeune Afrique depuis juin 2006, Tshitenge Lubabu M. K. travaille essentiellement sur la région des Grands Lacs. Il adore parler swahili au Rwanda et au
Burundi.