8 Mai 2013
Lettre à Makaïla Nguebla, journaliste Tchadien militant des droits de l’homme et blogueur expulsé le 7 mai par les autorités Sénégalaises, de Dakar vers Conakry
Notre cher Makaïla
Depuis Dakar, je suis indigné. Je clame ma colère suite à ton expulsion par les services Sénégalais de la surveillance du territoire, de Dakar vers Conakry. Je suis très surpris par la frilosité des autorités sénégalaises pour avoir exprimé ton opinion sur le Tchad, lors d’une émission d’une radio de la place. J’ai relu Nietzsche, pour qui « l’État est un monstre froid », puis j’ai ouvert un vieux livre et découvert la phrase célèbre du général De Gaulle : « Les États n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts ».J’ai essayé de cogiter un tant soit peu pour trouver une explication à ton expulsion vers la Guinée. Devant les méandres de la politique, des agissements de l’État, ses violences symboliques et que sais-je encore, que comprendre ? Sans méprendre ? Parmi les pistes qui taraudent mon esprit, figure le prétexte-contexte. C’est une entrave à la liberté de mouvement. Cette violation des droits de l’homme n’honore pas le Sénégal.
Je croyais que ces actes étaient révolus ou du moins pratiqués par des présidents autres que Macky Sall. Ce dernier a été élu démocratiquement. On évoque, l’exception Sénégalaise, face à l’inculture démocratique et aux coups d’Etat ou autres révolutions de palais, en Afrique. Cette caractéristique enviable a été écornée hier soir, par cet acte incompréhensible. Après ton expulsion de la Tunisie, en 2005 vers le Sénégal, tu as multiplié les démarches pour régulariser ta situation, sans succès, te voila aujourd’hui en terre africaine de Guinée.
Notre cher Makaïla, tu es un homme de courage, d’abnégation, un exemple de refus de la pensée unique au Tchad, comme ailleurs. Tu es le prototype d’un militant sincère, d’un activiste non violent qui croit aux vertus et aux valeurs partagées de la démocratie, de la liberté et de la citoyenneté africaine.
Notre cher Makaïka, la lutte pour la citoyenneté africaine est longue. C’est une véritable odyssée. Il nous faut du courage, encore du courage ! Pour affronter les obstacles sur le chemin de la liberté. La vérité finira toujours par triompher…
Notre cher Makaïla, le contexte est éloquent. Aujourd’hui encore, en Afrique, on se rend compte qu’on ne peut s’opposer en toute impunité aux régimes autoritaires, comme celui de Deby, sans être inquiété, pourchassé, traqué. C’est la raison d’États nous dit-on : procès de Habré à Dakar, troupes tchadiennes dans le nord du Mali. Deby est actuellement l’enfant béni des enjeux géostratégiques, dans la zone Sahélo-Saharienne. Que Dieu nous prête longue vie. Nous verrons la suite logique des choses… Les intérêts changent comme les girouettes, bon an mal an, pour indiquer la direction du vent. Mais il arrive que le vent devienne tellement fort qu’il déchire la girouette. Une girouette déchiquetée peut-elle indiquée une direction ? C’est la ruse du temps qui nous édifiera. Et ce temps- là est celui de la lutte, du refus d’abdiquer. Ton engagement illustre que tu n’as pas courbé l’échine, tu n’as pas applaudi sous injonctions clientélistes … Tu n’as pas opté pour la politique du ventre. Tu as lutté et tu continues à lutter pour la défense et la promotion des droits de l’homme. C’est une constante en toi. On ne peut que respecter ce choix et t’encourager pour tous les sacrifices consentis, pour la défense de la citoyenneté africaine.
Notre cher Makaïla, croyons en la démocratie comme étant le moindre mal. C’est une orientation irréversible. Nous sommes des héritiers. On ne vit pas pour soi-même. C’est ce que ta lutte nous enseigne. C’est un message qui éclaire et balise tant de labyrinthes, dans une Afrique, qui veut se relever de l’arbitraire, des ténèbres, de l’impunité afin que triomphent les idéaux de la liberté, de la solidarité et de la démocratie !