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Makaila, plume combattante et indépendante

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Tchad : Le gouvernement n’a toujours pas indemnisé les victimes du régime de Hissène Habré

Tchad : Le gouvernement n’a toujours pas indemnisé les victimes du régime de Hissène Habré

Une coalition d’associations saisit les Nations Unies au sujet de la non-exécution d’une décision de justice rendue il y a deux ans.

(N’Djaména, 24 mars 2017) - Le gouvernement tchadien n’a toujours pas exécuté une décision de justice rendue il y a deux ans ordonnant réparation à plus de 7 000 victimes de crimes graves commis durant le régime de l’ancien dictateur tchadien Hissène Habré ont déclaré aujourd’hui trois groupes de défense des droits humains.

Les associations - L’Association Tchadienne pour la Promotion et la Défense des Droits de l’Homme (ATPDH), l’Association des Victimes des Crimes du Régime de Hissène Habré (AVCRHH) et la Commission Internationale de Juristes - ont saisi M. Pablo de Greiff, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition pour qu’il intervienne auprès du gouvernement.

Le 25 mars 2015, après trois mois de procès, une cour criminelle tchadienne a condamné 20 agents du régime de Hissène Habré pour meurtre, torture, enlèvement et détention arbitraire. La cour a également ordonné que le gouvernement tchadien et les personnes condamnées versent chacun la moitié de 75 milliards de francs CFA (environ 114 millions d’euros) en réparation aux victimes.

« Cela fait deux ans et le gouvernement tchadien n’a toujours pas daigné mettre à exécution la décision », a déclaré Jacqueline Moudeina, principale avocate des victimes et présidente de ATPDH. « Les victimes n’ont d’autre recours que d’entreprendre des actions, au niveau national et international, afin d’exiger l’exécution du jugement. »

Hissène Habré lui-même a été condamné le 30 mai 2016 à la prison à perpétuité pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et torture, notamment pour violences sexuelles et viols, par les Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises. L’affaire est maintenant en instance d’appel et un verdict sera rendu à Dakar le 27 avril.

La cour criminelle de N’Djaména avait ordonné au Premier ministre tchadien de mettre en place une commission chargée de l’exécution du paiement des dommages et intérêts aux victimes. Cette commission n’a toujours pas été constituée.

La Cour avait également ordonné au gouvernement d’ériger un monument à la mémoire des victimes du régime Habré « dans un délai n’excédant pas un an », et de créer un musée dans l’ancien siège de la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS), la police politique de Habré. À ce jour, aucune de ces décisions n’a été respectée. Le Parquet général non plus n’a toujours pas accompli ses obligations pour la mise en œuvre de la décision, notamment le répertoriage et la confiscation des biens des condamnés.

« Le gouvernement doit exécuter cette décision pour que les victimes obtiennent enfin réparation pour leurs souffrances, et que des mesures soient prises pour que nous ne tombions pas dans l’oubli », a déclaré Clément Abaifouta, président de l’AVCRHH, qui, en tant que prisonnier sous le régime de Habré, a été forcé de creuser des charniers et d’enterrer de nombreux codétenus. « Nous nous sommes battus pendant 25 ans pour cette décision, et maintenant le gouvernement nous oblige à nous battre pour obtenir son exécution. »

Le régime à parti unique de Hissène Habré (1982-1990) a été marqué par des atrocités massives et généralisées, dont des répressions ethniques ciblées. Habré a été renversé en 1990 par l’actuel président Idriss Déby Itno et s’est réfugié au Sénégal où ses victimes se sont battues pendant des décennies pour le faire traduire en justice.

Les plaintes qui ont mené au procès tchadien des agents de Hissène Habré ont été déposées par des survivants en 2000, mais l’affaire a stagné jusqu’à ce qu’Habré lui-même soit arrêté à Dakar en 2013. Parmi les accusés, nombreux étaient ceux qui occupaient des positions clés dans l'administration tchadienne jusqu’à leur arrestation, en 2013 ou 2014.

Au cours de ce procès historique tenu au Tchad, environ 50 victimes ont décrit les tortures et les mauvais traitements subis entre les mains des agents de la DDS. Parmi les personnes condamnées à perpétuité dans le jugement de 2015 au Tchad figuraient Saleh Younous, ancien directeur de la DDS.

« Le procès et la condamnation d’agents de l’État pour des violations des droits de l’homme était une avancée remarquable dans un pays où l’impunité est la norme », a déclaré Reed Brody, membre de la Commission Internationale de Juristes qui travaille auprès des victimes depuis 1999 et qui a assisté au procès à Ndjaména. « Le refus du gouvernement à respecter ses obligations envers les victimes est une profonde déception. »

Contacts-

Jacqueline Moudeina (ATPDH – à Ndjaména +235 662 70992) jmoudeina@hotmail.com

Reed Brody (Commission Internationale de Juristes – à Barcelone +34 691 173 507 et +1 917-388-6745) reedbrody@gmail.com; twitter @reedbrody

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