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20 Février 2008
Petite Leçon pour Dictateur Prétentieux
Il a laissé Idriss Déby bomber son petit torse de tourterelle dans l'affaire de l'Arche de Zoé,
avant de lui administrer la plus grosse humiliation de sa vie. Parce qu'en effet, le grand Nicolas n'a pas digéré que le prétentieux petit dictateur qu'il est se maintienne à Djaména par la seule
volonté de la France et ait daigné verser "sa figure par terre"1, alors qu'il avait prétendu qu'il "irait chercher les Français de l'Arche de Zoé quoiqu'ils aient fait". Le peu d'orgueil qui
restait encore à Déby Itno en avait été passablement blessé. Il se sait redevable aux locataires de L'Elysée, mais jusque-là, les suzerains français s'étaient bien gardés de lui donner des ordres
publiquement.
Nicolas Zarkozy avec son "j'irai les chercher quoiqu'ils aient fait " s'était affranchi, peut-être est-ce là aussi l'expression de la rupture qu'il entend promouvoir dans les relations
France-Afrique, des pressions de couloirs pour dire les choses plus ouvertement. Avec les dictateurs africains, il veut faire la même chose qu'avec Clara (désormais Sarkozy). Il ne cache rien.
Dans le petit monde hypocrite de la France-Afrique, on avait bougonné ce "manque de manière" et discrètement on avait fait front pour soutenir Déby Itno. Sarkozy acquiesse et laisse les Tchadiens
faire le bougnoule avec les guignols de l'Arche de Zoé. Le procès, (spectacle diront Tertius et Koté), de décembre 2007 soigne la fierté nationale tchadienne. Fierté puérile, cependant, puisque
ce n'est pas elle qui fonde le pouvoir politique au Tchad. Ce n'est pas à elle que Déby Itno doit son pouvoir. Et Sarkozy allait le lui rappeler sans tarder. L'empressement de Déby d'accepter
l'extradition des guignols de l'Arche de Zoé n'y fera rien. Dans les premiers jours de janvier 2008, Sarkozy refile quelques armes sans intérêts au régime tchadien. Petite attention pour
distraire l'attention de Déby sur la correction qui se fignole contre lui. Le reste, on le connaît. En un temps record, les rebelles sont aux portes de Djaména après avoir mis en déroute l'armée
tchadienne, en tuant son chef d'Etat-major et en obligeant Déby Itno, qui s'était transporté sur le front, à regagner dare dare son palais.
Les rebelles prennent et occupent N'Djaména pendant deux jours (samedi et dimanche), avec l'accord de Paris, qui n'a jamais rompu le contact avec eux. Dans l'après midi de dimanche, Déby Itno qui
se sait perdu accepte toutes les exigences de Paris : grâce présidentielle pour l'Arche de Zoé, mais aussi et surtout le pétrole. Alors, les choses tournent au vinaigre pour les rebelles qui
attendaient le feu vert des Français pour déloger Déby. Un déluge de feu les prend au dépourvu et les colonnes massées aux alentours du palais présidentiel sont anéanties. C'est la débandade des
rebelles qui ne comprennent pas ce qui leur arrive. Les chefs rebelles perdent contact avec leurs interlocuteurs français. Ce qui leur reste d'éléments est obligé de fuir N'Djaména en désordre.
Ils sont complètement désorientés et prendront plus d'une journée pour ressouder ce qui leur reste de combattants. En réalité, si l'armée de Déby n'avait pas été complètement décimée et
désorganisée par l'assaut des rebelles, elle aurait pu, en poursuivant les rebelles, les anéantir définitivement dans les heures qui ont suivi l'entrée en combat des commandos du COS français.
Mais de l'armée, il n'en restait plus rien à Déby dès samedi 2 février 2008.
Pourquoi la France a-t-elle laissé les Tchadiens payer ce prix effroyable en vie humaine, avant de s'opposer au changement politique qui s'était presque réalisé ? C'est évidemment la question que
les Africains se posent. Peut-être en saurions nous un jour les vraies raisons du jeu français au Tchad. Pour l'instant, beaucoup d'analystes pensent que le malheur des rebelles vient de leur
parrainage. Même s'il s'en défend, le régime du Soudan est considéré comme le parrain des rebelles. Or le Soudan, depuis l'ère d'Al Tourabi, est considéré par les Américains comme l'ex-croissance
d'Al Quaïda en Afrique. Pour les Etats-Unis, il n'était pas dès lors acceptable qu'un régime pro soudanien s'installe au Tchad où les compagnies américaines exploitent actuellement le pétrole.
Car c'était courir le risque de perdre ce pétrole, mais également fragiliser un pays comme le Niger, qui a des potentialités insoupçonnées de pétrole, notamment à la frontière avec le Tchad. En
plus, il y a l'uranium nigérien qui est devenu un atout stratégique en ces temps où l'énergie nucléaire est remise au goût du jour.
Pour ces raisons stratégiques, Paris a été contraint par son allié américain à abandonner "ses rebelles" et à se contenter juste d'effrayer suffisamment Déby pour que plus jamais, il ne lui
vienne en tête de contester Paris.
Est-ce pour montrer qu'il a bien compris la leçon que sans qu'on ne le lui ait officiellement demandé, il a "proposé" de gracier les "guignols" de l'Arche de Zoé ? On peut le penser, tant on l'a
vu, Déby était heureux de la visite du ministre français de la Défense à N'Djaména. C'est d'ailleurs sa présence physique dans la capitale tchadienne qui aurait convaincu Déby que le danger
n'existait plus vraiment. Une autre explication de ce qui vient de se passer à N'Djaména. Début janvier, il y a quelques jours donc, Idriss Déby avait envoyé ses hélicoptères bombarder des
rebelles sur le territoire soudanais. A Paris, particulièrement, l'on pense que ce fut une grave erreur. Les services de renseignement de Khartoum avaient rapidement prévenu qu'une riposte aurait
lieu. Mais cette version ne nous dit pas comment Paris a pu se laisser surprendre, si tant est qu'elle a été surprise par l'entrée des rebelles à N'Djaména.
Pour sûr, la rupture de Sarkozy, avec l'affaire du Tchad, a pris du plomb dans l'aile. Parce que c'est toujours "la même chose pareille" qui se poursuit.
Par Newton Ahmed Barry dans L'Evènement N °133- 10 février 2008
http://www.evenement-bf.net/