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29 Juin 2009
Ces conflits cycliques inhérents au système politique tchadien ont pour ressorts des tensions internes et externes. Le Tchad est pauvre (170e sur 177 au
classement du PNUD selon l’indicateur de développement humain 2007), vaste (1.284.000km2) et peu peuplé (8,5 millions d’habitants en 2008), ce qui facilite les interventions de
ses voisins. Le versant Ouest regarde peu vers lui. Les intérêts du Nigeria et du Cameroun se concentrent au sud de leurs territoires, dans le Golfe de Guinée pétrolier. Lorsque les combats
gagnent la capitale, le Nord Cameroun offre un exutoire aux populations civiles de N’Djaména (en 1979, 1980, 1981, 2006, 2008), rappelant l’origine commune des deux villes. Kousseri la
Camerounaise et Fort Lamy la Tchadienne (qui devient N’Djaména en 1972) sont des jumelles nées de la bataille dont est issu le Tchad. Comme on trouve
toujours plus faible que soi, le Tchad est intervenu dans les luttes ayant abouti à l’arrivée au pouvoir de François Bozizé en République Centrafricaine en 2003. Mais, pour le moment, ce sont
davantage les soubresauts tchadiens qui affectent la stabilité de la RCA que l’inverse.
Depuis les années 1980, la Libye considère le Tchad comme un espace d’influence naturel. Les desseins politiques libyens ont certes été longtemps contrariés par des Tchadiens indociles. Dans le
domaine économique, cependant, les Libyens sont aujourd’hui très présents à N’Djaména, où ils possèdent entre autres banques, hôtels, stations services et immeubles.
Au cours des années 1990-2000, la Libye soutient officiellement le président Déby, tout en finançant régulièrement des mouvements rebelles.Pour le Soudan, de même, le Tchad est considéré comme
une marge à maîtriser (de Waal 2008). Idriss Déby bénéficia, en 1990, d’importants soutiens soudanais pour prendre le pouvoir. Les influences islamistes du Soudan d’Hassan El Tourabi trouvèrent
au Tchad un certain écho au début des années 1990. Des relations d’affaires plus ou moins fructueuses suivirent, autour de l’exploitation du petit gisement de pétrole du lac Tchad – un fiasco –
ou de la construction d’un deuxième pont sur le Chari à N’Djaména.
Après une période d’éloignement sans conséquence, c’est le Darfour qui, à partir de 2004, resserra l’écheveau conflictuel des relations tchado-soudanaises. Le Soudan reprocha au Tchad
d’appuyer la rébellion au nom de la solidarité au sein du groupe Zaghawa, auquel appartient Idriss Déby. En retour, le Soudan se mit à appuyer les rébellions tchadiennes (voir Debos, 2007). Le
calendrier de déploiement dans l’Est du Tchad de la force européenne de protection des réfugiés du Darfour (Eufor), que Khartoum a accepté à son corps défendant, semble bien avoir influencé celui
de la récente offensive sur N’Djaména.
La politique de la France est plus difficile à comprendre. Depuis qu’Elf a quitté le consortium d’exploitation du pétrole de Doba, en 1999, elle n’a plus d’intérêts économiques dans ce pays très
pauvre. Elle proclame par ailleurs qu’elle n’a plus vocation à être le gendarme de l’Afrique. Mais les milieux militaires ne semblent pas les moins attachés au maintien d’une base dans ce pays –
l’opération Epervier, après d’autres équivalentes, entretient à N’Djaména un millier d’hommes depuis la guerre contre la Libye des années 1980. Pour certains officiers généraux, le Tchad est
resté ce que fut longtemps la région désertique du BET (Borkou Ennedi Tibesti) : un territoire militaire, rude terre à nomades belliqueux combattus et respectés, administré avec une fermeté
teintée de paternalisme. Au-delà des sentiments et des considérations corporatistes, l’espace compte : le désert tchadien est un terrain vaste comme la France, où on peut s’entraîner, faire
voler ses avions à très basse altitude et expérimenter des armes sans craindre de gêner les riverains.