9 Avril 2011
Laurent Gbagbo est toujours retranché dans sa résidence d'Abidjan en Côte d'Ivoire. © Sunday Alamba / AP / Sipa
Laurent Gbagbo a beau être retranché dans sa résidence à Abidjan, le président sortant de la Côte d'Ivoire fait plus que résister aux pressions conjuguées de son
rival Alassane Ouattara, des Nations unies et de la France. Ses combattants ont regagné du terrain vendredi à Abidjan et la Radio-télévision ivoirienne (RTI), réduite au silence depuis quelques
jours en raison de la progression soudaine des forces d'Alassane Ouattara, a de nouveau émis pour lancer un appel en sa faveur. Selon des témoins, des hélicoptères de la force française Licorne
ont pilonné vendredi soir le secteur de la résidence du président sortant, quelques heures après des tirs contre la résidence de l'ambassadeur de France.
Le camp Gbagbo a démenti toute attaque contre la représentation diplomatique française et il a de nouveau accusé Paris de chercher à renverser le président sortant,
qui refuse de céder le pouvoir à Alassane Ouattara, vainqueur de l'élection présidentielle de novembre selon des résultats certifiés par l'ONU. Muette depuis que les Forces républicaines de Côte
d'Ivoire (FRCI, pro-Ouattara) sont entrées dans Abidjan le 31 mars au terme d'une offensive-éclair, la RTI a assuré vendredi que le régime de Laurent Gbagbo était toujours en place et elle a
invité la population à se mobiliser en faveur du président sortant. Alors qu'Alassane Ouattara, renforcé par la progression de ses forces sur le terrain, avait décrété la veille un "blocus"
autour de la résidence de Laurent Gbagbo, les partisans de ce dernier ont reconquis du terrain vendredi, selon l'ONU.
Les pro-Gbagbo proches de l'hôtel du Golf
Selon Alain Le Roy, secrétaire général adjoint de l'ONU chargé des opérations de maintien de la paix, les forces de Gbagbo contrôlent désormais complètement les
quartiers du Plateau et de Cocody, où se trouve sa résidence. "Des combats se poursuivent, mais nous sommes face à une impasse", a dit Alain Le Roy à la presse après avoir informé le Conseil de
sécurité de l'évolution de la situation en Côte d'Ivoire.
Alain Le Roy juge que les combattants de Laurent Gbagbo ont profité de l'accalmie de mardi, due aux négociations engagées sur un éventuel départ du président
sortant qui semblait alors grandement affaibli, pour se renforcer. "À l'heure où nous parlons, ils pourraient être très proches de l'hôtel du Golf", a-t-il dit, en référence à l'établissement où
Alassane Ouattara a lui-même vécu retranché depuis le second tour de la présidentielle, le 28 novembre, jusqu'à l'arrivée de ses FRCI dans Abidjan.
Alain Le Roy a fait état de déplacements d'armes lourdes vers le quartier de Cocody de la part du camp Gbagbo, ce qu'a démenti Toussaint Alain, conseiller du
président sortant à Paris. "Ce sont des allégations mensongères. Les capacités militaires de l'armée ivoirienne ont été anéanties par les bombardements de la force Licorne cette semaine", a dit
Toussaint Alain à Reuters, en allusion à des frappes menées en début de semaine par la France et l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci). Ce dernier a aussi démenti toute attaque
des forces de Laurent Gbagbo contre l'ambassade de France, qui, selon des témoins, a été suivie de tirs français contre la résidence du président sortant.
Commission vérité et réconciliation
"La France cherche une bonne raison d'en finir avec le président Gbagbo", a dit Toussaint Alain. L'ambassade de France a affirmé que la résidence de l'ambassadeur,
elle aussi à Cocody, avait été "visée par deux obus de mortier et par une roquette provenant des positions des forces toujours fidèles à M. Gbagbo". Des habitants de Cocody ont par la suite
rapporté que la situation s'était calmée dans ce quartier huppé de la capitale économique du pays.
La volonté d'apaisement et de réunification de la Côte d'Ivoire manifestée jeudi soir par Alassane Ouattara risque de se heurter aux informations selon lesquelles
des atrocités auraient été commises durant la progression de ses forces vers le sud. Le personnel des Nations unies a annoncé vendredi la découverte en 24 heures de plus de cent cadavres dans
l'ouest de la Côte d'Ivoire, certains brûlés vifs, d'autres jetés dans des puits.
Cette découverte, qui témoigne des tensions ethniques auxquelles est en proie le pays, intervient une semaine après l'annonce par le Comité international de la
Croix-Rouge (CICR) de la découverte d'au moins huit cents corps dans la ville de Duékoué après une explosion de violence intercommunautaire. Alassane Ouattara s'est engagé jeudi soir à faire la
lumière sur tous les massacres et à collaborer pleinement avec la justice internationale.