A la faveur du rapprochement intervenu récemment entre les régimes de Khartoum et de N'Djamena, qui naguère s'accusaient mutuellement de soutenir leurs
rébellions respectives, le chef de l'Etat soudanais doit participer à N'Djamena à un sommet des Etats sahélo-sahariens.
La CPI a lancé en 2009 un mandat d'arrêt international contre Bachir pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, complété ce mois-ci par le chef
d'accusation gravissime de génocide, mais le Soudan ne reconnaît pas la compétence de la cour, dont il n'a pas ratifié le traité constitutif signé en 2002 à Rome.
En revanche, le Tchad a ratifié en 2007 le traité mettant sur pied ce premier tribunal pénal international permanent siégeant à La Haye et "doit lui
refuser l'entrée ou l'arrêter pour qu'il soit jugé par la CPI", affirme HRW dans un communiqué diffusé mercredi.
"Le Tchad risque de se distinguer honteusement en étant le premier Etat partie prenante à la CPI à protéger de la cour un criminel de guerre
présumé", a estimé Elise Keppler, avocate à la section justice internationale de l'ONG de défense des droits de l'homme basée aux Etats-Unis.
PAS DE DOUTES SOUDANAIS QUANT À DÉBY
La CPI est dépourvue de police ad hoc pour faire exécuter ses décisions et ne peut compter que sur la coopération des Etats qui reconnaissent sa juridiction.
Le Tchad est donc placé dans une situation inédite, Bachir s'étant déplacé exclusivement jusqu'à présent dans des pays hors juridiction de la CPI.
En novembre 2009, Bachir avait renoncé à assister à un sommet de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) à Istanbul, comme il en avait l'intention, en
raison de pressions exercées par l'Union européenne sur la Turquie pour qu'elle le dissuade de venir.
La Turquie, qui a dû se résigner après s'être cabrée, n'a pourtant pas encore ratifié le traité de Rome, mais l'UE l'a invitée à le faire, pour remplir un des
critères d'adhésion à l'Europe des Vingt-sept, à la porte de laquelle elle fait le pied de grue depuis des années.
Bachir avait soutenu en 1990 le coup d'Etat ayant amené au pouvoir le président tchadien Idriss Déby, mais la guerre qui a éclaté en 2003 au Darfour a
brouillé les relations entre les deux voisins, dont les rebellions se retranchent de part et d'autre de la frontière commune.
L'ethnie Zaghawa, dont Déby est issu, est l'une des trois que Bachir est accusé par la CPI d'avoir voulu exterminer au Darfour, mais les deux hommes ont
décidé cette année de cesser chacun d'appuyer la rébellion contre l'autre, de verrouiller la frontière et de rétablir leurs relations diplomatiques.
"S'il y avait le plus petit doute sur les intentions de Déby, nous ne laisserions jamais Bachir partir", a déclaré à Reuters une source haute placée
à la présidence soudanaise à quelques heures du déplacement au Tchad du premier chef d'Etat en exercice poursuivi par la justice internationale.