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Makaila, plume combattante et indépendante

Makaila.fr est un site d’informations indépendant et d’actualités sur le Tchad, l’Afrique et le Monde. Il traite des sujets variés entre autres: la politique, les droits humains, les libertés, le social, l’économique,la culture etc.

La manne financière des visas : source d’instabilité du personnel à l’Ambassade du Tchad à Genève.

Par Talha Mahamat Allim

Genève, Suisse.

 

Comme annoncé dans notre précédent article, nous voudrions brièvement mettre en évidence l’esprit qui anime la gestion des affaires consulaires au sein de l’Ambassade du Tchad à Genève, à travers le cas particulier de la délivrance des visas.

Au-delà de l’aspect stratégique de Genève que nous avons déjà soulevé, cette représentation est spécifique du fait de son double rôle : celui d’Ambassade du Tchad en Suisse (coopération bilatérale) et celui de Mission permanente du Tchad auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et des autres organisations internationales en Suisse (partenariat multilatéral). Ce qui lui accorde une importance particulière sur le plan des affaires consulaires en général, et de l’émission des visas en particulier.
Il convient de souligner d’emblée que les ressortissants tchadiens établis dans un pays étranger bénéficient généralement des droits reconnus par les traités internationaux, la législation tchadienne et les lois en vigueur dans le pays de résidence. En conformité avec l’esprit consulaire, ils peuvent aussi bénéficier des services administratifs et consulaires ainsi que de l’exercice de leurs droits de citoyens garantis par les lois et règlements tchadiens. Il serait souhaitable qu’ils s’immatriculent auprès de la section consulaire de la représentation diplomatique tchadienne dans leur pays de résidence.
Cependant, suite à des préjugés et des idées préconçues de certains de nos chefs de mission, certaines de nos représentations diplomatiques ne font pas d’efforts pour entrer en contact avec les ressortissants tchadiens pour leur faire connaître l’ambassade et les informer des services dont ils peuvent y bénéficier. Des efforts dans ce sens pourraient contribuer à promouvoir la cohésion de la communauté tchadienne à l’étranger et à permettre à nos ambassades de mieux jouer leur rôle dans divers domaines, dont l’incitation et l’encouragement d’investissements au Tchad par des tchadiens de l’étranger. Au lieu de catégoriser les citoyens, il serait productif de se rapprocher d’eux et d’échanger sur des questions importantes pour le Tchad ; les divergences d’opinions ne devraient pas constituer un obstacle au dialogue. Le Tchad a besoin de tous ses fils et filles pour se reconstruire et se développer.
Rappelons à toutes fins utiles que la compétence consulaire inclue les actes notariés, le registre civil (enregistrement de naissances, décès, mariages, divorces… des citoyens tchadiens), l’authentification et la légalisation de documents, la facilitation d’obtention de  documents (cartes d’identité nationale, de passeport), l’émission des laissez-passer consulaires ou des visas pour entrer au Tchad, la sécurité, un éventuel soutien en cas des difficultés, etc.
La délivrance de visas fait partie des prestations soumises à tarification ; ce qui en fait une source non négligeable de revenus pour l’Ambassade, Mission permanente du Tchad à Genève, d’autant plus que Genève est au cœur de l’Europe, que de nombreuses demandes de visas émanant des pays proches sont adressées à cette ambassade et que les tarifs sont parmi les plus élevés. Les visas coûtent 110 francs suisse (soit 47'739 FCFA) pour 1 jour à 1 mois avec une seule entrée, 160 francs suisse (soit 69'454 F CFA) pour 1 jour à 3 mois avec une seule entrée et 300 francs suisse (soit 130'205 F CFA) pour 1 jour à 3 mois avec deux entrées ; exception faite des visas pour les passeports diplomatiques et les laissez-passer du personnel onusien qui sont délivrés gratuitement conformément aux accords internationaux. Depuis son ouverture, l’affluence de demandes de visas reste importante ; ce qui est une bonne chose pour le Trésor public tchadien, encore que…
La tâche d’émission de visas est généralement confiée, dans les représentations diplomatiques tchadiennes, au premier secrétaire. Ce qui nous paraît étonnant est que, dans l’Ambassade du Tchad à Genève, trois personnes ont occupé le poste de premier secrétaire en l’espace de 4 ans. La première personne n’a même pas exercé ses fonctions, encore moins les affaires consulaires du fait que le Chef de mission en place a voulu coûte que coûte garder ces affaires entre ses mains. La deuxième personne n’a pu les assumer qu’après plusieurs mois depuis sa prise de fonction, grâce aux pressions d’un des membres du personnel ; mais elle a fini par partir aussi. Nous ne serons pas étonné d’apprendre que la troisième personne rencontre les mêmes difficultés que ses prédécesseurs.
Ce qui nous a amené à nous interroger sur les raisons de cette instabilité du personnel à ce poste de premier secrétaire. L’explication à laquelle nous sommes arrivé est que ce ne serait pas le personnel qui serait en cause, mais la manne financière émanant de la délivrance des visas que le Chef de mission voudrait garder sous son contrôle sans que personne de l’Ambassade n’en connaisse la destinée. Cet argent, dont les proportions restent non négligeables, va-t-il dans ses poches ou dans les caisses du Trésor public tchadien ?
Cela nous semble pertinent d’autant plus que le budget de fonctionnement de l’Ambassade est excédentaire comme nous l’avons relevé dans nos précédents articles. Par ailleurs, cette instabilité du personnel à ce poste et le fait que le Chef de mission se préoccupe plus des affaires financières que du reste ne peuvent que freiner le dynamisme du fonctionnement de l’institution. De ce fait, ce qui semble sage et judicieux, c’est que les organes tchadiens chargés de la lutte actuellement menée contre la corruption et le détournement des fonds publics puissent s’intéresser de près à la gestion de cette manne financière afin  de remédier à cette instabilité et ses conséquences.
Comme nous l’a fait récemment remarquer une haute personnalité tchadienne, ce Chef de mission – à l’instar de certaines autres personnalités – a des moyens matériels et financiers considérables acquis de manière suspecte, qui lui servent pour corrompre (sous diverses formes dont des cadeaux en nature…) et fortifier ses réseaux afin de garder les privilèges que lui procure sa fonction. Il n’hésite pas à utiliser sa position d’ambassadeur et ses avantages pour d’autres fins que celles que lui assigne l’Etat…. Est-il au service de l’Etat et de la population tchadienne ou à son propre service ?
Outre les articles que nous avons écrits sur les dysfonctionnements de cette ambassade, ces quelques lignes sur l’achat du véhicule de fonction (article précédent) et la délivrance des visas démontrent globalement l’état d’esprit qui anime la gestion de cette représentation diplomatique. A l’instar de nos agents diplomatiques, nous pensons qu’il est utile pour notre pays qu’un forum réunissant tous les acteurs diplomatiques tchadiens soit organisé afin de débattre de l’état actuel de nos représentations diplomatiques et de leur avenir au regard de l’évolution du contexte international, des enjeux de la mondialisation et des défis qu’elle pose.
Malgré les péripéties de la vie et les injustices dont beaucoup d’entre nous font l’objet, il est vital que chacun(e) apporte sa contribution constructive – quelle qu’elle soit, pour le bien-être du Tchad et des tchadiens. C’est à cela que chacun(e) de nous sera jugé(e) par les générations présentes et futures !
A l’heure actuelle où le Sommet de Copenhague appelle à la responsabilité de chacun au niveau planétaire, il est opportun que nos représentants fassent aussi preuve de responsabilité dans leur conduite des affaires publiques, quelle que soit l’échelle : si nous sommes responsable dans les "petites" choses, nous le serons sûrement dans les "grandes".
Talha Mahamat Allim.
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