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4 Août 2009
Au Tchad, la modestie de notre culture politique (oh…quel
euphémisme !) constitue un obstacle majeur à n’importe qui, disons-le clairement, pour nous faire passer son message politique aussi pragmatique, aussi patriotique, aussi convenable soit-il.
Cette « culture », notre culture, acquise de l’inculture, et surtout de l’absence totale de patriotisme de ces icones de la défaillance nationale, qui croient encore que leurs échecs
accumulée durant des décennies sont des références en matière de gestion des problèmes nationaux, a déjà montré ses limites.
Ces icones ont réussi, avant de s’iconiser, à abattre politiquement tous les patriotes de leur génération qui étaient avec eux dans ce que nous avons toujours appelé
« révolution ». Mais je garde le développement de cet avis sur la mentalité des icones de la défaillance nationale et de ce qu’elle a généré pour la suite ; pour ne pas
sortir hors du sujet de cette première partie de cet article.
Néanmoins, je dois dire que le motif de cet article comme ceux qui suivront est suscité par certaines réactions de mes compatriotes concernant les échecs successifs des soulèvements des tchadiens
contre les régimes qui se sont succédés au Tchad. Le sujet de cette intervention est, comme je l’avais dit, pourquoi les tchadiens n’ont jamais su gérer les révoltes populaires
successives.
Notre compatriote Brahimy Mahamat Abdelkerim disait, il n’y a pas longtemps, que nous échouons parce que nous pratiquons une politique d’exclusion. Cette simple petite phrase, pour moi et surtout
pour ceux qui savent lire entre les lignes, ceux qui n’ont pas besoin de longues phrases pour comprendre l’essence de l’énoncé, est tout un programme.
De même, à mon avis, la ou les raisons de ces échecs est l’amalgame qu’entretiennent les intellectuels, souvent sciemment, entre une révolte et une révolution et leur mode de gestion respectifs.
La gestion de la révolte (qu’il me soit permis ici de nuancer), ce mouvement sociale qui se déclenche suite à une ou plusieurs séries de causes de différents ordres dont, entre autres,
économiques et politiques, bien que généralement ce sont les raisons économiques qui poussent les citoyens d’un pays donné à s’exprimer de manière violente pour marquer leur désapprobation contre
leurs dirigeants, n’a pas les mêmes approches que celles de la gestion d’une révolution qui est aussi un mouvement social et qui caractérise, pourtant, l’évolution de la
première.
Pour ne pas s’étaler dans des détails motivés, somme toute, par un avis personnel, je fais donc l’économie aux lecteurs de ce qu’ils savent mais non sans dire que la révolte n’est pas
suffisamment structurée du point de vue subjectif, à la différence de la révolution qui devrait nécessairement avoir presque tous les aspects d’un gouvernement.
Là aussi, je crois qu’il ne va pas falloir que je développe mon point de vue sur ce plan-là ; développement qui serait sans nul doute très long, sinueux et surtout nuageux, et, qui sans se
rendre compte, me positionnerait nez-à-nez avec l’économie politique et surtout avec l’histoire de révolutions antérieures aux nôtres. Et ce n’est pas aussi mon but.
Cela dit, il est quand même étonnant que les intellectuels de la résistance tchadienne, qui savent très bien qu’une révolte n’est pas encore une révolution, et, qu’elle nécessite une canalisation
par leur soins par des structures lui donnant un contenu, une forme ; l’institutionnalisent, lui crée les conditions subjectives qui la transformeront en « Révolution » avec ses
fondements d’organisation sur lesquels elle se base pour évoluer, se plaisent à des fanfaronnades de nature à mettre leur honnêteté intellectuelle en doute.
Oui, que cela plaise ou pas, on ne peut pas se réveiller un matin, rassembler une meute de mécontents plus au moins analphabètes, s’autoproclamer chef de cette meute-là et se déclarer une « Révolution ».
Non, une révolution ne se décrète pas ; comme elle ne peut pas être l’œuvre d’un groupe de semi-intellectuels aux convictions politiques embryonnaires pour ne pas dire inexistantes ou
volatiles. Et ceci est malheureusement le cas chez-nous, au Tchad, à travers le changement de régimes successifs.
L’essence de la révolution c’est d’abord la lutte des classes. Et le soulèvement populaire, qui pourrait aussi être appelé « Révolte », est le ferment qui catalyse la
« Révolution ». Ce soulèvement-là est provoqué justement par le sentiment qu’une catégorie de la population se sente lésée par rapport à une autre catégorie de la population. Il s’agit
bien donc de deux classes distinctes.
La révolution est un mouvement d’ensemble opéré par une catégorie de la société concernée d’un pays donné.
De ce fait, on ne peut parler de révolution sans parler de lutte de classes. Ne nous leurrons pas. Ménager la chèvre et les choux, en matière de révolution, c’est de l’utopisme pur et dur (j’y
reviendrai). En ce qui nous concerne, au Tchad, ceux qui ne veulent pas parler de révolution parce que sa réussite voudrait dire aussi la menace de leurs intérêts personnels, les opportunistes et
autres tribuns démagogues, diraient : « où est-ce que tu as vu des classes au Tchad. Le pays tout entier sombre dans la misère. La chose la mieux partagée chez-nous, au Tchad, est la
misère. » N’empêche qu’il existe bel et bien une classe d’exploitateurs et une classe d’exploités.
Cette vision négationniste quant à la présence des classes au Tchad se base sur l’explication erronée de la définition des classes selon la littérature révolutionnaire qui parle de la bourgeoisie
monopolisatrice des moyens des productions et la masse prolétarienne exploitée. Les arguments des intrus à la Révolution ne peuvent en aucun cas réfuter la compartimentisation réelle de notre
société en classes distinctes de quelque définition qu’ils voudront.
Et donc, il y a bel et bien des classes au Tchad. Il y a aussi bel et bien des révoltes légitimes de la population, mais elles étaient (et le sont encore) mal gérées. Ces « Révoltes »
spontanée contre des actes des gouvernants, des employeurs ou les deux à la fois, n’ont pas été canalisées par des procédés tactico-idéologiques pour leur donner une forme et un contenu subjectif
avec des mots d’ordres bien clairs.
De même, la « résistance » que nous menons doit avoir un mot d’ordre clair avec un contenu économique basée sur des approches idéologiques tout aussi claires.
Maintenant, pour illustrer mes propos concernant une partie des raisons d’échecs successifs de « nos Révolutions », je propose la lecture d’un extrait d’interview réalisé par notre
camarade Makaila Nguebla.
Alwihda : Dites-nous les causes de l’échec en avril dernier du Fuc qui vient de voler en éclat aujourd’hui ?
- Dr Albissaty : vous me posez là une question la réponse à laquelle me jetterais en pâture à un certain nombre de gens qui trouverait l’occasion toute indiquée pour me vilipender.
Bon, tant pis. Je vous réponds : La principale cause de notre échec du 13 avril est le dilettantisme organisationnel, l’absence d’une vision réellement révolutionnaire et donc l’amateurisme dans
la gestion de la résistance armée.
Sachez que le FUC était truffé d’aventuriers politiques de tout acabit. Nombreux « furent ? » ceux qui adhérèrent à la lutte armée par pure inactivité au pays, surtout ceux qui se présentaient
comme des hommes politiques ; ceux qui étaient renvoyés de leurs postes et autres exclus de la société ; les malfrats, les truands, sans compter, bien entendu, les mouchards.
Fin de la première partie
Albissaty Saleh Allazam