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Makaila, plume combattante et indépendante

Makaila.fr est un site d’informations indépendant et d’actualités sur le Tchad, l’Afrique et le Monde. Il traite des sujets variés entre autres: la politique, les droits humains, les libertés, le social, l’économique,la culture etc.

DAECH ET BOKO HARAM, ORGANISATIONS DE DESTRUCTION MASSIVE

DAECH ET BOKO HARAM, ORGANISATIONS DE DESTRUCTION MASSIVE

s fanatiques en oeuvre de l’Irak au Nigeria n’ont pas pour seuls victimes les populations locales, les attentats de Paris nous l’ont brutalement fait prendre compte: ces lointains conflits peuvent s’exporter au coeur même de notre pays. Les actes terroristes dont la France a été victime, s’insèrent dans un contexte plus global avec l’avénement dans certaines contrées de nouveaux acteurs se distinguant par l’ampleur de leur mouvement et la violence de leur idéologie et de leurs actes. Et sur ces points, les deux organisations qui crèvent actuellement l’écran sont Daech et Boko Haram.

Le premier administre un territoire grand comme la Suisse à cheval entre la Syrie et l’Irak et cela malgré l’intervention d’une coalition internationale visant à le détruire. Le second opère surtout au Nigeria, mais s’attaque aussi au Cameroun et au Niger limitrophes. Il tient tête à ces pays depuis maintenant six ans.

Le 4 janvier 2014, depuis ses bases syriennes, Daech s’est emparé de la ville de Falloudja, amorçant une grande offensive en Irak et provoquant la déroute retentissante de l’armée irakienne. Un an presque jour pour jour après, la prise du verrou stratégique du Nord-Nigeria, Baga, par Boko Haram, sonne de manière étrangement familière.

Un scénario qui se répète ?

À regarder de plus prêt, les ressemblances entre les deux mouvements sont frappantes malgré leurs propres spécificités et l’éloignement géographique.
Tous deux sont nés dans des des régions abandonnées par des États gangrenés par le clientélisme et la corruption. Leur seule présence visible dans ces zones périphériques s’incarnait dans les militaires qui agissaient comme une armée d’occupation, multipliant les exactions contre les populations vulnérables. Boko Haram et Daech qui prônent tout deux un islamisme fondamentaliste en rupture avec l’ordre établi, ont su se poser en alternative auprès d’une jeunesse désabusée, sans aucune perspective d’avenir, animée par un sentiment de revanche contre des États prédateurs.
Ceux-là, à cause de leur propres défaillances, se sont montrés incapables de lutter efficacement contre l’essor de ces organisations. Ces dernières profitent du fait que leur zone d’action se situe sur des espaces frontaliers mal contrôlés par les États limitrophes, voir complaisant à leur égard (lire article Tchad « Trop c’est Trop »), leur permettant de se replier sur un territoire ou un autre au gré des dangers.

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Les secours arrivent sur place après un attentat de Boko Haram au Nord de Nigéria – © Flickr

Si les deux mouvements sont sous les projecteurs des médias internationaux, c’est parce qu’ils pratiquent une ultra-violence systématique dont ils font consciencieusement l’apologie : massacres à grande échelle, rapts, viols, tortures, traite, esclavagisme… La brutalité inouïe de leurs actes peut être vue comme le fer de lance de leur stratégie : soumettre des régions entières par la peur et se faire connaitre du monde entier. Ces mouvements ont fait de leur sinistre réputation la marque de fabrique de leur idéologie fanatique. Il n’y a qu’à voire la liste de leurs exactions qui ne cesse de s’allonger : assassinats massifs de civils, femmes yézédis capturées puis vendues aux combattants de Daech, lycéennes nigérianes réduites à l’état d’esclaves….Très récemment encore, la prise de Baga a entrainé la destruction pure et simple d’une quinzaine de villages environnant et la mort de plusieurs centaines de personnes. Daech n’est pas en reste, puisqu’il a fait exécuter le 12 janvier treize adolescents sous prétexte qu’ils regardaient un match de football.

Victimes de Boko Haram - © www.afrik.com

Victimes de Boko Haram – © www.afrik.com

Enfin, leur objectif affiché est le même : l’instauration d’un califat. Daech l’a proclamé à l’été 2014, Boko Haram lui a rapidement emboité le pas en signifiant sa volonté d’en créer un également. Mais s’il est effectif pour l’organisation irako-syrienne qui dispose d’une emprise territoriale concrète, l’organisation nigériane pêche encore sur cet aspect. Jusque là, Boko Haram s’est montré incapable de tenir un territoire et agit davantage comme une armée nomade attaquant puis se retirant une fois le forfait accompli. La multiplication de ses offensives ces mois-ci au Nigeria et au Cameroun, l’ampleur de ses dernières conquêtes, démontrent une volonté de se sédentariser, afin de permettre au leader Aboubakar Shekau de disposer de « son » califat. Cela laisse d’ailleurs envisager une concurrence entre les deux mouvements, puisqu’un Calife se définit comme étant l’unique représentant de Dieu sur terre, il ne peut donc n’y en avoir qu’un seul.
Malgré cette quête de légitimité religieuse, ils ont cette même immense contradiction : leurs victimes sont essentiellement des musulmans, ceux-là même qu’ils prétendent défendre.

Un enfant syrien dans un camp de réfugié en Iraq

Un enfant syrien dans un camp de réfugiés en Iraq – © Flickr

En personnifiant le concept de « terrorisme », Boko Haram et Daech font preuve d’une capacité de nuisance qui va bien au-de-là des frontières des pays dans lesquels ils opèrent ; l’obscurantisme qu’ils distillent au travers le monde grâce à la couverture médiatique dont ils disposent, trouve un public très réceptif parmi cette frange de la population occidentale en marge, voire exclue du système : les attentats de Paris commis par des Français au nom de leur idéologie en est un exemple édifiant.

S’il est encore trop tôt pour analyser les conséquences de cet événement, on peut en évaluer les risques : repli identitaire, amalgame avec les musulmans et essor de l’islamophobie, mise en péril de certains acquis démocratiques au nom de la lutte contre le terrorisme… Les tragédies qui se jouent au Moyen-Orient et en Afrique ont donc un impact sur nos propres sociétés, la solution militaire si elle n’est pas associée à des politiques apaisantes sur les différents terrains d’action, se révélera toujours insuffisante : l’exécution d’Oussama Ben Laden a certes décapité l’hydre Al-Qaeda, mais deux têtes lui ont depuis repoussé et elles se nomment Daech et Boko Haram.

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